Festival Que du feu 2024 encart

TESTAMENT

Un film de Denys Arcand

Cynique à souhait

Jean-Michel Bouchard, auteur de 70 ans, vit dans une maison de retraite et se sent fortement déphasé par rapport à la société d’aujourd’hui. Il continue cependant à assurer un travail bénévole aux archives. Mais un beau jour, la directrice de sa résidence et lui, voient débarquer devant l’immeuble des manifestants réclamant qu’une fresque qui représente la rencontre de conquistadors avec des indiens, soit enlevée…

Testament film movie

On ne cachera pas notre tendresse pour certains films de Denys Arcand ("Le Déclin de l’Empire américain", "Les invasions barbares"), le réalisateur Québécois ayant un don pour capter l’air du temps et disséquer avec un humour mordant les tendances sociétales d’une époque, notamment les rapports hommes femmes. C’est une nouvelle fois le cas avec "Testament", passé par le Festival d’Angoulême en août dernier, dans lequel il met à nouveau en scène l’un de ses acteurs fétiches, Rémy Girard, ne convoquant au passage le reste de sa famille de comédiens que pour de petits rôles, à l’image d’Yves Jacques qui joue un directeur des Beaux Arts croustillant, ou Pierre Curzi qui fait une petite apparition. À noter qu’il accueille ici Sophie Lorain, réalisatrice de "Charlotte a 17 ans", émouvante dans le rôle d’une directrice de résidence prise entre son sens de l’autorité et ses fantômes personnels.

Décortiquant les excès d’un monde où les revendications individuelles ou communautaires et la multiplicité des causes semblent avoir pris le pas sur un désir de vivre ensemble, son scénario aligne les bons mots et fait du cynisme une arme de protection plus que d’attaque. Car il ne s’agit pas ici de railler telle ou telle partie de la population, mais de mettre le doigt, par de cocasses situations ou les comportements des personnages, sur des contradictions, des absurdités et sur une certaine incompréhension entre générations. Il en va ainsi de la cancel culture, des faux « natifs » qui fustigent l’appropriation culturelle, de l’inculture des Ministres de la culture, de l’incompétence de politiques montrés comme des girouettes (il critique au passage vertement la gestion de la crise du Covid au Canada), des injonctions envahissantes à une vie saine, du féminisme à outrance, des questions de neutralité de genre, et de communautés qui prétendent être ouvertes sur le monde alors qu’elles restent uniquement auto-centrées...

Cela donne quelques scènes vouées à devenir cultes, comme la remise du prix littéraires (un grand moment d’inégalité, et un grand éclat de rire avec la poésie « Vagin en feu » et le débat sur la « menstruation de la pensée »…), la circulaire sur le remplacement des livres par les jeux vidéos (même si quelques exagérations sur l’utilisation de la souris apparaissent comme trop caricaturales), le comique de répétition autour du vieux cycliste, ou encore le débarquement du Ministre et de son acolyte… Mais Denys Arcand s’attaque aussi aux a priori et aux apparences, avec notamment le personnage d’une femme plantureuse qui vient rendre visite à son personnage toutes les semaines à la même heure. Au final, le personnage de Jean-Michel Bouchard apparaît comme le seul qui a le temps d’être à l’écoute des autres, et qui est donc en capacité d’être réellement généreux en leur apportant son aide. Rémy Girard incarne avec une touchante bonhommie, cet homme vieillissant qui peine à retrouver sa place, mais que le récit va intelligemment pousser à nouveau vers la vie. Toute cela fait de "Testament" un film intelligent et drôle, et une bonne manière, comme le suggère son titre, pour le réalisateur de 82 ans, de tirer sa révérence. On espère cependant qu’il nous régalera encore de ses réflexions inspirées sur le monde et la nature humaine.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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