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TERRIFIER 3

Un film de Damien Leone

Le Père Noël est une ordure

5 ans se sont écoulés depuis les sinistres meurtres perpétrés par Art le Clown un soir d’Halloween. Sienna et son frère Jonathan, seuls rescapés du massacre, font comme ils le peuvent pour reprendre une vie normale. L’un entame ses études à l’université et expérimente les joies des dortoirs collectifs, l’autre retrouve sa cousine et essaye de renouer avec ce qui lui reste de famille encore vivante. Le corps de Art n’ayant jamais été retrouvé, Sienna sent que quelque chose se prépare. Et alors que les fêtes de fin d’année approchent, le Mal risque de retrouver sa trace…

Nous sommes en Octobre, et malgré les quelques belles journées, les nuits se font de plus en plus froides. On pourrait même distinguer une brume tentaculaire tôt le matin, recouvrant nos toits. Halloween approche et bien que cette tradition ne nous appartienne pas culturellement, parlant en tant que frenchie, il existe un groupe de personnes qui attendent avec une excitation non dissimulée cette fameuse fête des morts. Autant pour se déguiser, car tout occasion est bonne à prendre, autant parce que c’est toujours l’occasion de se retrouver dans une salle de cinéma ou entre amis, entassés sur un canapé, pour revenir à un de nos instincts les plus primaires : avoir peur. Et en rire !

Pourquoi ce préambule vous demandez-vous ? Tout simplement parce que nous ne sommes pas là pour disséquer le genre du slasher et prouver par A+B comment ce film rend hommage à tel ou tel classique, ou à quel point "Terrifier 3" coche toutes les pires cases de ce sous genre souvent décrié, méprisé par une partie de la presse (on se souvient de la réception à la vision réductrice de films comme "Freddy, les Griffes de la Nuit" ("Nightmare On Elm Street") de Wes Craven, lors de sa sortie en 1984). Nous ne sommes pas là non plus pour vous sur-vendre un film qui, en plus a reçu ce que chaque distributeur redoute : l’interdiction aux moins de 18 ans. Tout le monde scande ci et là que cela faisait presque 20 ans qu’un film n’avait pas écopé de ce label noir dans nos contrées (et nous parlons ici d’exploitation salle, pas de "Saw 3D Chapitre Final" qui a reçu cette distinction des années plus tard après sa sortie, bloquant ainsi toute nouvelle exploitation en salles jusqu’à nouvel ordre. Remercions par la même occasion l’association française Promouvoir fondée en 1996 par André Bonnet de s’évertuer à promouvoir la censure.

Et c’est vrai évidemment, factuellement, "Saw 3" de Darren Lynn Bousman en 2006 avait secoué la bien-pensance et les défenseurs d’un soi disant « vrai cinéma ». Notons aussi que bien entendu le sous genre du torture-porn a toujours été sujet à controverses (qui a dit "Salo ou les 120 journées de Sodome" de Pier Paolo Pasolini en 1976 ?). Mais il n’est jamais plaisant de voir un film coupé du public sur décision d’un conseil arbitraire, mais cela n’est pas sans rappeler l’aura que ces œuvres dégagent suite à ce bruit médiatique. Les chiffres ont tendance à suivre également (presque 1 million d’entrées en France pour "Saw 3" en 2006) et encore aujourd’hui les fans répondent présent, avec 45 000 entrées en une seule journée pour "Terrifier 3". Un signe de bonne augure, que autant de curieux, là pour les bonnes raisons ou portés par le buzz (anecdote véridique, ceux-là sortiront au bout de 20 minutes, et par paquet de 10), aient fait le déplacement et payé dans tous les cas leur billet. Des billets qui rentrent pour récompenser les créateurs d’une nouvelle saga emblématique, qui naît sous nos yeux et se mue en quelque chose de grand.

Pour nous qui avons le cinéma d’horreur dans le cœur, il n’est qu’appréciable d’être face à des œuvres certes perfectibles, mais à bien des égards généreuses et sincères. Damien Leone et son équipe font des merveilles depuis les courts métrages "Hallow's Eve" (2011) ainsi que le premier "Terrifier" (2017) et sa suite XXL en 2017 ("Terrifier 2"), perfectionnant progressivement leur art. Un art qui commençait à se perdre dans les grands circuits où le cinéma américain mainstream d’horreur de devenait étriqué à force de s’enfermer dans ses maisons qui grincent et ses giclées de sang en images de synthèse. Ils nous rendent ainsi de nouveau organique, le dégoût, l’inconfortable, le comique au milieu des tripes, tout ce joyeux bordel sanguinolent, autant palpable que irréel. Mention de la présence en caméo discret au grand Tom Savini, maquilleur et artiste effets-pratiques pour films d’horreur dont la série "Creepshow" en 1982 ou encore "Vendredi 13" premier du nom (1980). Il y a évidemment un réel plaisir régressif à voir toutes ces « tripailles » voler dans tous les sens et ne vous méprenez pas, vous entrez dans la salle moins pour avoir peur que pour découvrir les dernières horreurs qu’ils ont concoctées. Et vous serez servi ! Nous ne dévoilerons rien ici, mais on est très contents que certains enfants n'aient pas eu leur cadeau espéré pour Noël.

Ce sont des créateurs qui récompensent la fidélité de ceux qui regardent leurs films avec passion lors d’une soirée Ciné club spécial Halloween : les films se suivent bien entendu (ils commencent tous là où le précédent finit, avant un bon dans le temps) et les personnages de Sienna et son frère sont de retour. Leurs arcs narratifs deviennent simplifiés, mais plus clairs et forcément plus touchants. Tout n’est pas parfait, bien entendu, mais nous ne sommes pas là pour un thriller psychologique où les crimes du serial killer se déroulent hors champ. Non, ici on voit tout, d’une crudité certes extrême mais qui tombe dans cet entre deux à mi chemin entre le fantastique et le réel. Là où Damien Leone développe et affine un peu plus sa mythologie, il en perd forcément un peu plus de l’aura mystérieuse et terrifiante qu’arborait Art dans le premier volet. Mais notre plaisir est total en sortant de la salle, avec cette agréable sensation d’avoir eu un cadeau de Noël avant l’heure. Et le premier qui nous dit encore que même un slasher bête et méchant n’est pas un objet artistique politique aura affaire à Art.

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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