TERRE MAUDITE
Dans le vent, on peut toujours crier, personne ne nous entend.
Dans l’Ouest profond et encore inhabité, la nuit, quand le vent souffle dans la vallée, des choses se déplacent dans les plaines…
Sortie 15 août 2019 en VOD
Comme la nouvelle de Maupassant, ce film pourrait s’intituler "La Peur". Non pas « une » peur, mais « la » peur. Un sentiment, un état, qui plonge l’être au cœur d’une spirale de noirceurs violentes et abominables, qui met chacun dans un état second, le rend capable de tout. La peur, impalpable, immatérielle, terrifiante, de ce qui se trouve derrière la porte, de ce qui peuple la nuit noire balayée par le vent. La peur, d’où vient elle ? Sont-ce les hommes qui la portent ? Ou le vent sur une terre maudite ?
"Terre maudite" a une esthétique très particulière et tient plus du téléfilm que de la fiction de cinéma. Ce choix esthétique, qui pourrait en rebuter plus d’un, sert pourtant le propos de l’histoire en donnant à la terreur naissante un aspect très réel, palpable, proche et humain.
L’existence de l’univers est également rendue par un travail très méticuleux sur le son. La vallée est déserte, venteuse. On y entend à la fois tout, et rien. Les distances disparaissent, les pas résonnent, le souffle tape. Impossible d’y échapper. Le son est aussi enveloppant que la nuit.
Outre son esthétique, ce film a également une forme inattendue : il n’est pas chronologique. Mais comment savoir où nous en sommes quand le moindre repère temporel est extrêmement compliqué à trouver dans cet espace vide, immobile, sans homme ?
Ici, ce qu’Emma Tammi a à proposer n’est pas un simulacre de "Shutter Island" ou d’"Inception". Ce n’est pas non plus un écho lointain à "L’Exorciste", ou une contre-proposition à "The Witch". C’est un retour aux mythes dans un monde où l’homme n’est pas roi. Un monde où il est cet animal grégaire et seul qui se rend soudain compte qu’un autre est là.
Emma Tammi fait aussi un film de femme et incarne cette terreur dans le corps féminin. Elles sont nombreuses devant et derrière la caméra et donnent ainsi un autre corps, une autre saveur, terrifiante, à une peur primale au cœur du Nouveau Continent.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur