TAKE ME SOMEWHERE NICE

Bien que le film dépeigne une histoire contemporaine, sa facture évoque irrésistiblement les années polaroids. Le film est en 4/3, le format carré, et sa photo oscille entre les tons pastels et les couleurs criardes des années 70, desquelles la Bosnie ne semble pas pouvoir se défaire.

Alma est une jeune fille impénétrable. Ses motivations et ses désirs sont obscurs pour le spectateur. Trop différente et silencieuse pour susciter de l’empathie, elle n’a quasiment pas d’expression et ne semble s’émouvoir de rien. Même sa volonté de fer, quand elle est contrariée, ne l’a fait pas sortir de son laconisme endormi, une espèce d’apathie immobile qui fait que tout lui passe au-dessus, ou plutôt en dessous, comme si elle regardait la vie et les petits tracas quotidiens de loin et de façon totalement désintéressée. Elle ne parvient pas à ouvrir sa valise, soit. Elle perd sa valise, soit. Son cousin ne veut pas l’aider, soit. Même le sexe ne semble pas l’émouvoir.

Le sexe justement, est sans doute ce qui est le plus réussi dans le film. Pas les premières scènes qui doivent leurs seules justifications au fait que deux jeunes gens de sexes différents ne peuvent apparemment pas se rencontrer sans automatiquement s’envoyer en l’air. Mais deux autres scènes, par leur complexité morale qui semble fissurer le maque d’ennui du visage d’Alma, sont vraiment réussies. L’une se passe dans une forêt la nuit et l’autre sur une plage de galets suite à une violente altercation. Difficile de recommander ce film pour quoi que ce soit d’autre que ces deux moments, les deux seules véritables propositions de cinéma ici.