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SWEET COUNTRY

Un film de Warwick Thornton

Cruelle ironie

Dans les années 1920, dans le nord de l’Australie, un Aborigène tue un Blanc. Qu’il ait agi en état de légitime défense risque de ne pas suffire dans une société potentiellement aussi raciste que la victime. Il décide donc de fuir dans l’outback avec sa femme…

Sortie le 15 juin 2018 sur Netflix

Lauréat de la Caméra d’or à Cannes en 2009 pour son premier long métrage, "Samson and Delilah", le réalisateur australien Warwick Thornton a remporté en 2017 un Prix spécial du jury à Venise pour "Sweet Country" (qui ne trouve malheureusement pas le chemin des salles françaises). Continuant d’aborder la condition des Aborigènes (il est lui-même issu de ce peuple), il laisse de côté la période contemporaine pour revenir un siècle en arrière, dans l’Australie post-Première Guerre mondiale.

Il ne fait pas dans la dentelle pour dénoncer le niveau ignoble de racisme à cette époque, en mettant en scène un vétéran de l’armée australienne (incarné par Ewen Leslie), visiblement traumatisé par son expérience des tranchées, ce qui n’arrange pas son alcoolisme ni son racisme profond, les deux penchants le rendant extrêmement agressif et vulgaire. On prend donc très rapidement la mesure du niveau hallucinant de haine et de mépris de cet homme qui n’a aucune limite pour exploiter les Aborigènes tout en les humiliant. En contre-point, Thornton nous fournit toutefois, tout aussi immédiatement, de quoi espérer un peu, grâce à un autre Blanc bien plus humaniste, campé par l’éternel Sam Neill, toujours régulièrement fidèle au cinéma océanien malgré sa fructueuse carrière hollywoodienne.

Tirant profit – comme beaucoup d’autres cinéastes avant lui – du potentiel cinématographique de l’Australie sauvage, Warwick Thornton axe une bonne partie de son film sur une chasse à l’homme teintée de mysticisme aborigène. Reprenant régulièrement les codes du western, il assortit toutefois sa mise en scène de flashs intrigants, qui brouillent volontairement nos repères spatio-temporels dans l’esprit du « temps du rêve », concept central de la mythologie aborigène, qui a déjà été exploité à plusieurs reprises par le cinéma australien (citons "Le Dernière Vague" de Peter Weir ou "10 canoës, 150 lances et 3 épouses" de Rold de Heer). Son long métrage s’oriente aussi, bien que brièvement, vers le film de procès, avec une conclusion à double tranchant, entre espérance et consternation.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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