SUZUME
Un irrésistible voyage
Suzume, adolescente de 17 ans, descend en vélo vers la ville côtière de Kyushu, lorsqu’elle croise un homme mystérieux, qui affirme chercher une porte qui trônerait au milieu de ruines. Elle lui indique alors un ancien village abandonné, sur la montagne, au beau milieu de la forêt, et poursuit son chemin. Se ravisant, elle tente de le retrouver en se rendant elle-même au village, où elle découvre une porte, posée au milieu d’une sorte d’hémicycle inondé. Tournant la poignée, elle aperçoit une prairie, mais lorsqu’elle en franchit le seuil, elle se retrouve toujours au même endroit. Saisissant une étrange pierre voisine, marquée d’inscriptions, celle-ci se transforme alors en chat. Plus tard, alors qu’elle est en classe, une alerte au tremblement de terre se déclenche. Apercevant des sortes de volumes rouges au-dessus du village en ruine, elle y retourne précipitamment et vient en renfort de l’homme, qui tente de refermer la porte…
Nouveau long métrage d'animation du japonais Makoto Shinkai, connu principalement en France pour "Voyage vers Agartha", "Your Name" ou encore "Les Enfants du temps", "Suzume" est un petit bijou, alliant affirmation de soi, histoire de deuil, fantastique et approche poétique d’un phénomène récurrent au Japon : les tremblements de terre. Délaissant en partie les ciels bleus lumineux qui faisaient son style, l’auteur ne renonce pas pour autant à cette couleur dominante, que l’on retrouve ici dans une mer aux reflets estivaux, des étendues d’eau, et, en plus obscure, dans une voûte céleste qui ouvre le métrage et sera forcément en lien avec le personnage principal, orpheline élevée par sa tante.
Dans un rythme soutenu, il nous embarque avec ses deux héros, la jeune fille et l’homme, rapidement transformé en chaise, dans un récit centré sur les origines des tremblements de terre. Représentés ici comme une sorte de ver géant, aux multiples tentacules, présage d'une future secousse lorsque celles-ci s’abattent sur les terrains alentours, ils ont à chaque fois pour épicentre l’une des portes que tous les deux, devront refermer, afin d’éviter le pire. Évoquant au passage, de manière délicate, les séquelles du Tsunami de 2011, "Suzume" délivre ici un beau message sur la gestion du deuil et la nécessité d'aller de l'avant.
La magie est bien au rendez-vous, entre des pierres-clés (« keystones ») censées garder les portes, la chaise à trois pieds, aux mouvements quasi humains, et la présence sur chaque lieu à risque d'un mystérieux chat parlant. La poésie s’affirme également par moments, comme lorsque deux gamins turbulents jouent avec la chaise, lors des découvertes des divers lieux abandonnés (école, parc d’attraction…) ou dans les moments de l’autre côté de la porte. Succès monstre au Japon en fin d’année dernière, le film confirme l’irrésistible attrait de l’univers de Makoto Shinkai, où se croisent traumas personnels et enjeux universels. Malgré un petit ventre mou lors d’un trajet en voiture qui sert de transition, mais où l’humour pointe son nez, on accompagne avec un profond plaisir "Suzume" et ses drôles de compagnons, vers un émouvant dénouement, multiple, comme à l'accoutumée chez l’auteur. Un film d’animation virtuose, qui fait appel ponctuellement à la 3D, pour certains mouvements ou perspectives, ou pour les travellings ou panoramiques les plus complexes, et qui sait une nouvelle fois, à la fois tenir en haleine, émerveiller, et faire vibrer la corde sensible. A voir sur très très grand écran.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur