SUZANNE
25 ans de la vie d’une famille
Un vieil homme file le parfait amour avec la complice de sa vie, sa femme, à la fois espiègle et postivement tournée vers les autres. Désemparé par son soudain décès, il continue cependant à fréquenter ses amis de toujours…
Après son très beau premier film "Un poison violent", remarqué à Cannes et très bien accueilli par la critique et le public lors de sa sortie en 2010, Katell Quillévéré nous revient avec un second film empreint d’une maturité nouvelle. Maturité dans l’écriture, maturité dans le montage, maturité dans la mise en scène… La jeune cinéaste a complètement revu sa copie, sa manière de filmer, pour livrer un nouveau long-métrage à la fois riche et ténu, dense et âpre, immensément différent du style narratif et cinématographique de son précédent. Où on découvre une nouvelle réalisatrice. Comme la promesse d’un cinéma diversifié…
Avec "Suzanne", Katell Quillévéré plonge son actrice principale dans un drame familial intense, une ligne de vie loin d’être droite. Une mère absente, un père routier, une sœur fusionnelle, une grossesse inattendue, une rencontre amoureuse dangereuse… La réalisatrice cherche à comprendre comment une femme peut tout lâcher du jour au lendemain, comment elle peut risquer sa propre intégrité simplement par amour. Le personnage féminin interprété par Sara Forestier (quel talent !) en voit des vertes et des pas mûres, se meurtrie à petit feu et fait souffrir son entourage. Les comédiens sont exceptionnels de justesse, de retenue, d’innocence et de vérité. Jouant des madame et monsieur tout le monde, Forestier, Haenel, Damiens et Hamy (petit nouveau dans le paysage cinématographique français et vu dans "Elle s’en va") embrassent avec conviction et brio leur rôle marqué au fer rouge.
La réalisation utilise à bon escient l’ellipse pour se concentrer sans perdre le fil de l’histoire sur les fêlures de ses protagonistes et cette vie qui n’épargne pas Suzanne. La réalisatrice ne choisit pas la voie la plus simple, et pourrait perdre certains spectateurs sur le bord de la route, mais finalement, cette route, elle la tient de bout en bout, ne change jamais de bord. Elle mène son bateau à quai, reste fidèle à son style, nouveau, osé, mais fortement empreint de réalisme, un hommage appuyé au cinéma de Pialat qu’elle affectionne tant.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur