SUR LA BRANCHE
Une fantaisie inégale, mais portée par Daphné Patakia
Fraîchement sortie de l’hôpital psychiatrique, Mimi, proche de la trentaine, se présente dans un cabinet d’avocats, espérant décrocher un emploi. Perturbée par la franchise de la jeune femme, Maître Claire Bloch, qui n’a pas l’intention de l’embaucher, lui propose cependant une mission : récupérer auprès de son ancien associé, Maître Paul Rousseau, un dossier sensible dont elle a besoin. Alors que Mimi s’exécute, elle fait la connaissance de cet avocat odieux et déprimé, mais aussi de Christophe, un étrange prisonnier breton, comme elle, qui se prétend innocent et dont le cas va devenir une obsession…
Marie Garel-Weiss, dont le premier long "La Fête est finie" reçut un bel accueil, et fut suivi du téléfilm "Qu'est-ce qu'on va faire de Jacques ?", diffusé sur Arte, nous revient avec "Sur la branche", une comédie dramatique qui met en scène un duo de personnages à la marge. D’un côté il y a Mimi, jeune femme au regard pénétrant, fragile mais volontaire face à un monde qui engendre chez elle des réactions et émotions vives. De l’autre il y a Paul, avocat isolé, entre mal-être et persécution par certains de ses clients, reclus chez lui jusqu’à ce que débarque Mimi. Les deux premières scènes avec Mimi semblent d’ailleurs caractéristiques de son état. Attentive aux autres et consciente des risques face au monde, lorsqu’un patient ami sur le point de sortir de l’hôpital avant elle, lui confie qu’il a « envie de planter un couteau à pain dans la tête » de sa mère, elle est aussi obsessionnelle et butée lorsqu’elle a un objectif, incapable de comprendre l’indécision chez les autres, et refusant de déceler des signes de rejet.
En cela, l’on peut dire que Daphné Patakia ("Djam", "Benedetta", "Les Cinq Diables") se voit offert ici un beau rôle, qu’elle semble habiter immédiatement, alternant présence envahissante et soudains retraits ou crises d’angoisse. En choisissant de faire son personnage, quelqu’un d’à la fois en permanente réflexion et d’inconscient, opposé naturel d’un Paul (Benoît Poelvoorde, convainquant) fermé aux autres, l’auteure donne une teinte de comédie à l’ensemble, qui oscille cependant entre réussites (la rencontre avec Claire, une scène de sexe au parloir, la conduite nocturne…) et scènes plus malaisantes (les entretiens avec la psy, la première scène de parloir, le repas avec la famille qui accuse Christophe…). S’éloignant certes des repères usuels sur la psychiatrie, Marie Garel-Weiss se dispense aussi malheureusement de réalisme, lorsque Mimi se retrouve enfermée seule dans le cabinet d’avocats, où lorsqu’elle retourne seule au parloir, alors qu’on sait pourquoi Paul n’est pas elle à ce moment-là.
Agnès Jaoui et Raphaël Quenard complètent le casting, la première nous rappelant à quel point elle est une actrice sensible, le second nous faisant nous interroger sur sa capacité à sortir du même registre. Reste une œuvre intrigante, teintée d’espoir, où la folie douce augmente avec l’ouverture au monde comme celle proposée par les décors, mais qui aurait sans doute mérité d’exploiter plus la branche comique et investigatrice liée aux clients bafoués de Paul. Au final, les scènes avec les deux femmes persécutrices ne semblent malheureusement que des parenthèses dans un scénario où un autre genre de folie avait en fait parfaitement sa place.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur