SUNDOWN
Un drame troublant, au scénario à tiroirs
Neil et Alice Bennett, riches anglais, sont en vacances avec deux adolescents dans un hôtel de luxe à Acapulco, lorsque Alice apprend par un coup de fil que sa mère est à l’hôpital. Alors qu’ils rentrent à l’hôtel en mini-bus, un second coup de fil lui apprend le décès de celle-ci. Sur le point de prendre l’avion pour Londres, Neil prétend avoir oublié son passeport à l’hôtel, et indique aux siens qu’il les rejoindra. Mais une fois dans un taxi, il demande à celui-ci de le déposer dans une pension, et s’installe dans un restaurant, les pieds dans l’eau…
Alors que le film qui lui aura valu le Grand Prix au Festival de Venise 2020, le percutant et politique "Nouvel Ordre", est encore inédit en salles en France, voici que le film suivant de Michel Franco ("Después de Lucía", "Les Filles d'Avril") débarque sur les écrans français. Tourné en partie en langue anglaise, "Sundown", lui aussi passé par la compétition de Venise, en 2021, fait la part belle à deux acteurs internationaux, Tim Roth et Charlotte Gainsbourg, qui composent ici un duo inattendu. Jouant sur le mystère initial qui pousse le personnage de l’homme à passer d’un hôtel de grand luxe d’Acapulco à une petite pension familiale, se laissant alors aller au rythme local, entre plage, boisson, et rencontre avec une femme, le scénario rebondira ensuite grâce à des ressorts surprenants, permettant de générer d’autant plus d’émotion, et surtout de créer chez le spectateurs, des sentiments contraires envers ce personnage qui apparaît au départ comme menteur, fuyant et égoïste.
Méthodiquement, les motivations du personnage masculin sont ainsi dévoilées, par de petits détails successifs, dessinant ainsi une toute autre histoire que celle que chacun aurait pu imaginer. En toile de fond, Michel Franco en profite pour dresser un portrait alarmant d’une des villes autrefois paradisiaque de son pays, devenu repaire de gangs et trafiquants, rappelant ainsi un contexte de pauvreté et de violence extrême. Banalisant tout d’abord cette dernière par son soudain surgissement dans un restaurant, le sang étant ensuite rapidement balayé par les eaux (un plan d’autant plus marquant), il en fait ensuite l’un des ressorts de l’intrigue, élément venant faire encore douter du dessein qui est le sien.
Intelligente réflexion sur le droit à l'égoïsme et à des choix autres que ceux que vos proches projettent sur vous, le scénario de "Sundown" donne surtout à réfléchir sur les choix de vie, entre rythme effréné et oisiveté, entre argent roi et besoins simples. Le choix potentiellement symbolique du « cochon » comme motif récurrent n’est d’ailleurs sans doute pas innocent, comme symbole des différences de richesse qui gangrènent toute une société, menant à une inévitable violence. Au final, ce film n’en reste pas moins une émouvante et cruelle histoire relevant de l’intime, où l’humain revient avec insistance au centre du récit, s’émancipant d’obligations qui ne sont que des constructions sociales, pour mieux revenir à lui-même. On recommande fortement.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur