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SULLY

Un film de Clint Eastwood

Papi Eastwood fait de la très bonne résistance

Le 15 janvier 2009, un A320 atterrit sur l’Hudson River, avec à son bord cent-cinquante-cinq passagers. Cet amerrissage miracle est le fait de l’expérimenté pilote Chesley Sullenberger, dit Sully. Alors que les médias l’érigent en héros, une enquête va pourtant s’ouvrir pour déterminer s’il s’agissait d’un acte de génie, ou d’un excès de folie…

Le métrage s’ouvre à l’intérieur du cockpit du vol 1549. La panique est déjà palpable à bord. Les moteurs sont à l’arrêt, la vitesse diminue, l’avion a entamé son inévitable chute. Les buildings se font de plus en plus proches. Connaissant le récit de ce miracle sur le bout des doigts, le spectateur est rassuré. Sauf que l’A320 percute un obstacle et explose en plein vol. À l’image de cette introduction, Clint Eastwood va jouer avec les nerfs du spectateur, mêlant les songes d’un pilote meurtri à un récit parsemé de flash-back introspectifs. Beaucoup auraient fait de cette histoire un vulgaire film catastrophe au happy end déjà écrit. Le cinéaste a lui préféré une œuvre sobre et pudique, parfaitement en phase avec son protagoniste.

De cet amerrissage miracle sur l’Hudson River, le metteur en scène en fait une grande tragédie, et donc un grand film. Avec sa tension permanente et son scénario méticuleux, "Sully" montre avec brio les doutes d’un homme que le peuple érige en héros alors que ses pairs l’accusent de démence meurtrière. Tout le paradoxe d’un fait divers. Toute la contraction d’un être ne sachant plus s’il est un sauveur ou a été un danger pour ses passagers. Parvenant à injecter du suspense à une chronique déjà connue, le réalisateur confirme un vieil adage de De Vinci, en nous rappelant que « la simplicité est la sophistication suprême ». Rien de pompeux, aucun dialogue superflu, chaque seconde sert l’intrigue, chaque image rajoute de l’émotion à une œuvre profondément bouleversante.

Comme une évidence, la première rencontre cinématographique entre Tom Hanks et Clint Eastwood se fait autour des aventures extraordinaires d’un Américain ordinaire. Renforçant son exploration du mythe du « Man on the street », le comédien excelle une nouvelle fois dans le rôle d’un quidam au parcours hors-du-commun, magnifiquement capturé par l’objectif d’un cinéaste au sommet de son art. Si la plupart d’entre nous connaissent la destination de ce voyage, il mérite toutefois amplement qu’on monte à bord. Car rarement, autant d’émotions auront été offertes en si peu de temps et avec si peu d’artifices. Avec une maîtrise virevoltante de sa mise en scène, Eastwood fait honneur à son statut de dernière légende d’Hollywood, offrant un nouveau regard sur son pays, bien plus profond et éloquent que la plupart de ses contemporains.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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