SUITE FRANÇAISE
Certes académique, mais empreint d'une vraie âme
Il y a forcément dans l'adaptation du roman éponyme de Irène Némirovsky quelque chose qui relève de l'événement. Parce qu'il s'agit d'un roman posthume, rédigé par une déportée décédée en camp en 1942, non achevé à l'époque, et publié seulement en 2004, grâce à la retranscription faite par sa propre fille. Il constitue à la fois une sorte de lègue, un témoignage indirect de la manière dont l'humanité réussit à survivre dans les pires moments, mais aussi un belle invitation à un nécessaire engagement.
En décrivant le quotidien d'un village occupé situé dans le centre de la France, le film aborde à la fois la lutte des classes, le trouble physique ou la mesquinerie facile, sans jamais porter de jugement sur ses différents personnages. La pléiade d'acteurs, tous impeccables, livre ainsi aisément une partition où le doute et l'humain sont au cœur du questionnement, le conflit devenant temporairement une donnée, presque extérieure. Usant de symboles parfois intelligents (l'extinction de la flamme d'une bougie pour signifier une prise de conscience et le passage à l'action..,) ou parfois moins légers (le fait que le vicomte, qui est aussi maire, parle Allemand...), le film, dans son académisme, déroule un discours qui paraît tantôt naïf dans la bouche de son héroïne, tantôt percutant au travers des actes des citoyens de cette ville (lettres de dénonciation, petits mensonges aux grosses conséquences...).
Grâce à un travail sur le son, suggérant au début bombardements et arrivée des troupes, la mise en scène installe d'emblée une tension. L'usage de la musique, évitant d'être trop appuyé, participe étrangement au maintien de celle-ci tout au long du film. Au final il ressort de "Suite française" une indéniable émotion, renforcée par quelques superbes scènes aux plans saisissants, comme celle où l'héroïne croise la femme de métayer, torturée, ou la scène finale et son magnifique démarrage de voiture.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur