STEVE BANNON - LE GRAND MANIPULATEUR
Un gars (presque) (bien)...
Directeur de campagne pour Donald Trump, limogé de la Maison Blanche, Sloppy Steve ne s’est pas arrêté, il a fondé « Le Mouvement » et tente aujourd’hui de venir en aide aux extrêmes droites de l’Europe en essayant de les unir sous une même bannière de nationalisme économique et de populisme…
Ce documentaire est terrifiant et peut créer un véritable malaise chez le spectateur, car Steve Bannon y est montré comme respectant effectivement cet adage et c'est peut-être sa plus grand force : il a l'air d'un mec bien, inoffensif, acceptable, presque drôle, un peu lourd. C'est son autodérision, le fait qu'il parvienne si facilement à se moquer de lui-même, qui le rend à l’image potentiellement dangereux. En bon populiste, on le perçoit comme sachant extrêmement bien manipuler les foules et se les mettre dans la poche. On le voit prendre le dessus en décrédibilisant son adversaire, qui prend la mouche car il ou elle tente d'être sérieux, car il ou elle est conscient de ce qui est en train de se jouer et de ce que Bannon est en train d'évoquer avec un air goguenard et un sourire en coin, comme si de rien n'était, avec l'adhésion de la foule.
Contrairement à toutes les figures de l'extrême droite qui l'entourent, Bannon semble ne pas se mettre en première ligne et surtout il n'a rien de patibulaire. Il ne ressemble pas aux « méchants dans les films », comme dirait Orelsan, et c'est la en apparence toute sa force. Il semble avoir en quelque sorte une impitoyable bonhomie qui lui permet de faire passer tout et n'importe quoi pour servir ses intérêts.
Alison Klayman l'a suivi dans ses déplacements pendant un peu plus d'un an, de 2017 à 2019, entre le moment où il a quitté la Maison Blanche et la veille des élections européennes. De sa maison à Washington aux différentes capitales d'Europe, elle suit Bannon et son staff, de meeting en meeting et de réunion en réunion où se dessine la stratégie politique qu'il vient offrir aux extrêmes européens afin de surfer sur la mouvance de Trump et de les unir en un bloc fort au parlement européen.
Le documentaire présente Bannon sous différents aspects et la réalisatrice explique avoir voulu sélectionner les séquences qui ont plusieurs niveaux de lecture. Certaines sont très intimes et quotidiennes, dans sa maison, où il discute avec fascination de la conception d'Auschwitz. D'autres montrent son pouvoir de séduction sur les gens, de quelques bords que ce soit. D'autres encore montrent sa stratégie politique, ses techniques d'orateur. Bannon paraît être un acharné de travail et d'une certaine manière un fanatique pragmatique. Il croit véritablement en ce qu'il fait et en ce qu'il raconte, tout en étant prêt à modifier son discours s'il choque son auditoire. Il est montré comme n'hésitant jamais à se contredire et prêt à trouver une pirouette, par le biais de l'humour le plus souvent, pour détourner la conversation, ou à prendre les choses à rebours, car il défend une idéologie qu'il tente de faire passer pour science et fait.
La force du documentaire est de faire rentrer le spectateur dans le monde de Bannon, de lui faire découvrir un homme pour lequel il est facile d'avoir de l'empathie, puis d'un coup, de montrer ce qui est en train de se jouer derrière son discours mielleux envers les foules, en s’écartant du projecteur aveuglant qui accompagne Bannon partout où il va.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur