STELLA EST AMOUREUSE
Mention très bien
1985. L’été se termine, Stella retourne chez ses parents et entame l’année du baccalauréat. Autour d’elle, rien ne va : le lycée l’ennuie, ses parents se sont séparés, elle n’a aucune envie de reprendre leur bar, et les dettes s’accumulent. Heureusement, ses amies sont là, et au détour des sorties nocturnes, l’amour peut surgir sans crier gare, histoire de rêver d’un autre monde…
Ceux qui ont pu voir "Stella" lors de sa sortie en novembre 2008 se souviennent sans doute d’un charmant petit film à teneur légèrement autobiographique, traitant de l’enfance en milieu prolétaire avec un goût certain de l’anecdote et de l’époque – l’une ne cessait d’enrichir et de redéfinir la retranscription de l’autre. Des paramètres que l’on retrouve en tous points dans cette suite pour le moins inattendue, forcément centrée sur la période de l’adolescence. Ce qui constitue décidément ces derniers temps un point commun à de nombreux cinéastes (pur hasard ou regain général de nostalgie, on ne sait pas) ne risque-t-il pas de devenir un peu rébarbatif à la longue ? Chacun son opinion, mais l’énergie dont fait ici preuve la réalisatrice Sylvie Verheyde suffit à revitaliser un genre de plus en plus propice au poncif, voire même à l'impudeur. La réalisatrice ne signe pas seulement ici son meilleur film, mais surtout le plus subtil et le plus harmonieux dans tout ce qu’il essaie d’explorer, de retranscrire et de synthétiser durant pas moins de cent dix minutes pleines à craquer.
Tout y passe sur cette période-clé de l’existence : le bac à passer, les premiers amours, le conflit parental, la rébellion, le besoin de liberté, la place de l’individu au sein du groupe, les expériences à tenter, les petits boulots d’été, les coups de colères irréfléchis, les flirts divers, les rapports sexuels, l’amitié contrariée, les désillusions, les réconciliations, les projets d’avenir, etc… Le tout concentré dans un récit sans aucun temps mort qui épouse le rythme de son héroïne éprise de liberté et désireuse de trouver une échappatoire à son quotidien morne. D’aucuns argueront que le film passe peut-être un peu trop vite sur certains événements (tout ce qui est ici relatif aux parents a tendance à être souvent évacué par le biais de la voix off) mais c’est parce que le film se cale sur les pas et le rythme de son héroïne, voyant et vivant le monde à travers son point de vue sélectif, et chahutant l’ensemble (et le cadre) dès que la situation se met au diapason. De cela découle un film où la pure mise en scène, lue comme un mélange d’énergie et de rythmique, devient l’épicentre de tout.
Tout est, au fond, affaire de musicalité dans "Stella est amoureuse". Musicalité du montage qui, tel un juke-box activé par un esprit sublimement mélancolique, ralentirait ou accélérerait le mouvement selon l’état d’esprit très « rock » de l’héroïne, et ce au gré de morceaux cultes qui font écho à ses propres états d’âme – notons en guise d’exemple une utilisation très maline des chansons de Visage et de Téléphone. Musicalité des corps en transe et en danse, errant tels des satellites en quête de l’âme sœur dans des scènes de danse absolument électriques. Musicalité, aussi, de ces clubs 80’s revisités en bulles protectrices et hédonistes pour tous ceux qui endurent douleurs et injustices à l’extérieur – le racisme et le chômage pointent souvent leur nez au détour de quelques scènes furtives. Musicalité, enfin, d’un jeune casting en état de grâce qui donne vie à des personnages parfaitement écrits dans l’évolution de leur schéma interne, et au sommet duquel trône l’épatante Flavie Delangle. Seule petite ombre au tableau : Marina Fois et Benjamin Biolay surjouent les prolos divorcés et au bout du rouleau avec un léger penchant pour la caricature. Rien qui ne puisse toutefois affaiblir la fibre positive et entraînante d’un film qui, à son terme, ferme un chapitre pour en ouvrir un autre : un bac obtenu, un nouvel été à savourer, un avenir devant soi.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur