LES STAGIAIRES
Dictature du cool
"Les Stagiaires", nouveau film de Shawn Levy ("Real Steel", "La Nuit au Musée"), se veut être une comédie explorant le microcosme Google implanté dans la Silicon Valley. Vince Vaughn (producteur et scénariste du film) et Owen Wilson reforment ici le duo qui avait fait le succès de "Serial Noceurs" en 2005. Un buddy movie léger mais conformiste au possible. Dommage.
Disons-le franchement, "Les Stagiaires" n’est pas un film drôle. L’esquisse de quelques sourires, forcés de surcroit, tient du fait que l’on éprouve inévitablement de la sympathie pour ce duo comique. D’un scénario convenu (l’intrusion de deux « corps étrangers » dans une société-secte normée avec ses codes), le film de Shawn Levy ne parvient à aucun moment à se détacher des clichés sur les geeks. Sous couvert d’une compétition destinée à obtenir un job chez Google, l’affrontement de deux bandes rivales n’est rien de moins qu’un manichéisme de mauvaise facture. Gentils geeks contre méchants geeks. Nos deux héros, commerciaux de l’ancienne école, passent progressivement du rôle de « has-been » vers celui de « grand frère ». Le décalage entre les deux cultures est alors bien trop souvent régulé par une morale rébarbative affirmant l’éternel « c’était mieux avant » ou « regarde comment on faisait dans le temps ».
"Les Stagiaires" ne pourrait finalement n’être qu’une petite comédie estivale pas très inspirée. Il est malheureusement bien plus que ça. Véritable manifeste de propagande pour la firme Google, le long-métrage de Shawn Levy nous jette au visage tous les bienfaits d’une société qui se déclare elle-même « meilleur employeur des Etats-Unis ». C’est l’overdose. Billy et Nick, les deux personnages joués par Vaughn et Wilson, ne sont utilisés que pour mettre en avant l’extraordinaire monde parfait de Google dans lequel on se sent tellement bien… Il y a pourtant un hic. En bon dictateur d’aujourd’hui, Google investit le principe du « cool » jusqu’à créer un néologisme pour cette attitude : « la googliness ». Toute résistance au modèle, toute remise en cause du système est soigneusement évitée dans "Les Stagiaires". On disait des régimes autoritaires des années 30 qu’ils utilisaient le cinéma à des fins propagandistes. Et bien ne soyons pas dupe, et analysons ce qu’il y a sur nos écrans aujourd’hui…
Nous utilisons tous Google. Mais y’avait t-il besoin d’en faire un film allant même jusqu'à vanter le service après-vente de la firme californienne ? Le long métrage de Shawn Levy n’est pas détestable en tous points non plus. S’il n’y a pas de rire aux éclats, "Les Stagiaires" remplit tout de même sa fonction de divertissement, et ce malgré sa longueur (2 heures). Grâce à de bons seconds rôles et un déroulement sans accroc, le film se laisse voir aisément. Mais c’est bien cette facilité qui renforce notre méfiance quant au message sous-jacent du film et cette « dictature » du cool qui s’instaure de plus en plus aujourd’hui…
Hugo RicoultEnvoyer un message au rédacteur