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SPOTLIGHT

Un film de Thomas McCarthy

Un film percutant et nécessaire

En 2001, l'une des cellules d'investigation du Boston Globe, décide d'enquêter sur des soupçons d'abus sexuels de prêtres sur des enfants. Malgré leurs difficultés d’accéder à certains documents tenus secrets, à cause d’ententes entre l’Eglise et les familles moyennant des indemnisations, les journalistes vont de découvertes en découvertes. Mais l'équipe doit rester la plus discrète possible, car 53% des lecteurs de leur quotidien sont catholiques...

"Spotlight" est un film intelligent qui figure en bonne place des nominations aux Oscars 2016, grâce à la qualité de son interprétation et à la complexité de son scénario, qui – à l'image de l’histoire vraie dont il s’inspire – embrasse nombre de contradictions et d'influences, sans jamais perdre le spectateur. Œuvre fleuve en forme d'enquête multiforme, le film pointe la responsabilité collective dans les affaires de religieux pédophiles et analyse avec finesse les rôles des médias, des lobbys (dont l’Eglise elle-même) et des familles, questionnant au final le rôle de chaque citoyen amené un jour à fermer les yeux.

Plutôt classique sur la forme, "Spotlight" (du nom de la cellule d'enquête formée par quatre reporters) dévoile peu à peu l'ampleur du phénomène, affichant le chiffre effrayant de 6% des prêtres ayant des tendances pédophiles. Alliant film de procès, enquête journalistique, complot politico-institutionnel, le scénario saute de pressions sournoises en révélations macabres.

Mais surtout, chose rare, il donne la parole aux victimes comme rarement sur ce genre de sujet. Sans voyeurisme aucun, il permet l'expression de la douleur, l'analyse du mécanisme implacable de séduction (devenir l'objet d'intérêt d'un prêtre « était comme être aimé de Dieu » décrit l'un d'eux), notant ironiquement que le facteur chance est finalement pour beaucoup dans le choix d'une victime plutôt qu'une autre.

Le caractère écœurant des découvertes, la mise en évidence les collusions entre l’Eglise et un groupe d'avocat pour étouffer des affaires d'agressions sur mineurs, font bien entendu l'efficacité du métrage. Mais là où il revêt une réelle finesse d'écriture, c'est dans l'implication personnelle de chacun des journalistes, parfois minimale, parfois soumise elle aussi à questionnement. L'intrusion de la religion au plus profond de la société américaine, l'impossibilité récurrente de questionner l'honnêteté d'un clergé qui n'a jamais à rendre de compte, sont ainsi indirectement condamnées.

Grâce à un casting qui ne démérite pas, Mark Ruffalo et Michael Keaton en tête qui offrent tous deux une belle performance dans des rôles à l'opposé, le film (découvert hors compétition au Festival de Venise 2014) trouve peu à peu le chemin vers l'émotion. Sans bouleverser le genre cinématographique (on pense beaucoup aux "Hommes du président"), "Spotlight" rappelle ce que la société doit au journalisme d'investigation, métier d'équilibriste nécessitant patience, tactique et un minimum de chance.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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