SPACE JAM : NOUVELLE ÈRE
Au menu : une overdose de clins d’œil et du basket-Kamoulox !
Dom, un des fils de la star du basket LeBron James, rêve de travailler dans l’industrie du jeu vidéo et développe déjà un concept innovant de jeu de basket où les points prennent en compte les traditionnels paniers mais également des notes artistiques valorisant le style. Ce n’est pas du goût de son père, qui espère le voir développer ses capacités en jouant au « vrai » basket. Al-G Rhythm, une intelligence artificielle développée par les studios Warner, va alors exploiter les différends entre le père et son fils en les aspirant dans un monde parallèle numérique et en les contraignant à s’affronter…
Rappelons d'abord ce qu'était le premier "Space Jam", sorti en 1996 : pour éviter de devenir les esclaves d'un méchant alien, Bugs Bunny et les Looney Tunes doivent gagner un match de basket et font appel à Michael Jordan pour les épauler. Le scénario exploite la courte reconversion de MJ dans le baseball (qui a eu lieu en 1995) et exagère ses performances dans ce sport, montrées comme désastreuses, alors que le film surestime en parallèle sa capacité à jouer la comédie ! Si on ajoute un script assez minimaliste voire proche de l’ineptie, on pourrait s'étonner que le film soit devenu un succès. En fait, les défauts majeurs n'empêchaient pas l'essentiel : le fun ! Avec comme principal atout cette folie communicative des Looney Tunes, qui servait de prétexte suffisant pour nous faire avaler n'importe quoi !
Vu les performances du film au box-office, une suite a été immédiatement envisagée mais abandonnée car Jordan n'était pas intéressé (ouf, il n'a pas voulu se recycler comme acteur !), et plusieurs autres pistes ont été explorées, mettant en scène d'autres sportifs (le golfeur Tiger Woods, le skateur Tony Hawk, le pilote automobile Jeff Gordon) ou encore Jackie Chan en espion. Il a fallu attendre 2014 pour que le projet revienne dans la galaxie basket avec LeBron James en star centrale et, après de nombreuses péripéties supplémentaires (dont deux ans avec Justin Lin provisoirement aux commandes), encore quelques années pour que le film n’atteigne enfin les écrans, 25 ans après le premier opus ! Entre-temps, la Warner avait tout de même produit, dans la même veine, le sympathique "Les Looney Tunes passent à l'action" de Joe Dante en 2003, histoire d’exploiter un peu le filon.
Avec une telle attente (qui légitime cette longue introduction de critique !), que vaut donc cette suite ? Premier constat : ouf, LeBron James est meilleur acteur que Michael Jordan ! Ce n’est pas du grand art, n’exagérons rien, mais c’est bien plus digeste de ce côté-là. Le scénario, quant à lui, tente de construire quelque chose d’un peu plus alambiqué mais reste sur des sentiers battus et rebattus : une relation conflictuelle entre un père (LeBron James) et son fils (Cedric Joe) ; des réflexions sur le gap générationnel d’un point de vue à la fois culturel et technologique (les jeux vidéo) ; la présence d’une intelligence artificielle démoniaque (sous les traits de Don Cheadle, qui fait correctement le job)…
Visuellement plus ambitieux que la version de 1996 (les capacités technologiques ne sont évidemment plus les mêmes…), "Space Jam : Nouvelle Ère" propose un mélange plus varié d’esthétiques : si on retrouve le même mélange entre live-action et animation 2D, LeBron James y est aussi cartoonisé le temps de quelques-unes des meilleures séquences, puis les Looney Tunes ont le droit à une customisation en 3D lors du match de basket. Ce dernier point est à double tranchant : on gagne en explosivité et en fluidité, mais on perd une part de ce qui fait le charme de ces personnages en les rendant trop réalistes.
Par ailleurs, le film s’en donne à cœur-joie pour multiplier les clins d’œil les plus divers, allant de "Harry Potter" à "Game of Thrones" en passant par "King Kong", "Le Géant de fer", "The Mask", "Wonder-Woman" ou encore "Les Pierrafeu". Ces easter eggs à gogo peuvent s’avérer sympathiques ou drôles (citons le passage avec Speedy Gonzales et la grand-mère de Titi incrustrés dans une scène de "Matrix") mais on frise l’overdose, avec cette impression que la Warner fait l’auto-promotion de son catalogue. C’est aussi parfois un peu cheap, notamment avec le public hétéroclite du match de basket, qui fait se côtoyer des figurants tenant plus du cosplay amateur que du caméo de personnages (les Marcheurs blancs ou l’agent Smith par exemple).
Reste à commenter l’aspect purement basket. Comme dans le premier opus, des guests secondaires ont le mérite d’accepter que leur image puisse être écornée : en 1996, Charles Barkley et consorts perdaient leur habileté et risquaient d’être gentiment ridiculisés ; en 2021, Damian Lillard, Anthony Davis et autres Diana Taurasi (au passage, soulignons la mixité) se retrouvent dans la peau de personnages monstrueux particulièrement cruels et sadiques, donc peu sympathiques. De son côté, LeBron James est sans doute le meilleur choix possible pour endosser le rôle de méga-star nécessaire au projet mais, le temps d’un (bon) gag, il est flagrant que l’aura de Michael Jordan est inégalable. Terminons en signalant que le jeu vidéo de basket auquel jouent les protagonistes est si délirant et si incompréhensible qu’on se sent dans une sorte de Kamoulox numérique ! Pour le coup, on ne s’attendait pas à un tel cross-over…
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur