SOUS LES FIGUES
Une jeunesse pleine d’espoir, dans un film à la contagieuse luminosité
Dans une région du nord-ouest de la Tunisie, des jeunes femmes et quelques hommes sont récupérés à l’aube par un homme un pick-up et emmenés dans des champs de figuiers. La récolte des figues se déroule sous un doux ombrage, et au fil de la journée, alors que la chaleur se fait plus forte, les discussions s’animent…
Découvert à la Quinzaine des réalisateurs, "Sous les figues" en fut l'un des films les plus touchant et lumineux. Pourtant, le concept, basé sur un lieu unique, où des jeunes gens échangeraient en cueillant des figues, sous le regard d'autres employés plus âgés, n'avait a priori rien de bien excitant. Et c'est là toute la magie du film d'Erige Sehiri ("La Voie normale"), dont la mise en scène à la caméra discrète, capte délicatement les regards, semblant voler des moments intimes à chacun, révélant les secrets autant que les espoirs d'une génération qui se sent à la fois coincée dans une situation économique sans issue et oppressée par la religion et les traditions.
Entre ceux qui planquent des cagettes en douce, espérant arrondir leur revenu, l'ado partagé entre deux formatons, ou un autre qui ne pense qu'à partir, c'est l'absence de travail à la campagne et donc l'exode rural qui est évoqué. Côté échanges plus intimes, les relations amicales ou amoureuses se nouent et se distendent, et ce sont les rapports hommes-femmes qui sont passés au crible de dialogues cousus mains servi par un casting impeccable. Du poids d'une religion devenue prétexte hypocrite (la femme est nue à la maison, en niqab dehors...), à celui du patriarcat (les mariages d'amour contrariés...), ou à l'abus de pouvoir lié à l'argent (le chef qui profite de la pauvreté ambiante...), tous les maux d'une société se résument en ces lieux.
Doté d’une dynamique où les tensions vont et viennent entre les ouvrières et parfois leurs prétendants, "Sous les figues" voit l'émotion comme la grâce naître des rencontres entre la jeune et l’ancienne génération de femmes. Entre souvenirs douloureux, pleurs et chants, le groupe voit les barrières tomber, la réalisatrice terminant sur une scène qui traduit à elle seule toute l’énergie d’une jeunesse, malgré tout, pleine d’espoir et d’énergie.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur