SOUS L'AILE DES ANGES
Une sublime mise en scène
Indiana, 1817. Un jeune garçon, plus frêle que les autres, est élevé à la dure au milieu des champs. Il y restera jusqu’à ses 21 ans, puis partira vers son destin de futur président des États-Unis…
Récit des années d'enfance du futur président des USA, Abraham Lincoln, "The Better Angels" s'attache à décrire la dureté d'un quotidien fait de pauvreté, de l'emprise d'un père aux règles d'éducation strictes, de la complicité avec une mère de substitution, et de la pénibilité de conditions de vie précaires et du labeur aux champs. Sans véritable histoire, le film capte des moments de l'enfance, conté en voix-off par celui qui aura partagé un moment de sa vie, en tant que frère dans sa famille de substitution. Il dessine en filigrane la formation d'une personnalité, l'apprentissage de valeurs de justice, la solitude d'un futur grand homme.
A. J. Edwards donne à voir l'enfance de celui qui deviendra le père de la constitution américaine et abolira l'esclavage, insistant sur le respect de la nature et de la différence (la scène de la tortue...), et sur l'apprentissage de la nécessité de combattre. Sa mise en scène sublime son propre sujet, à la manière d'un Terrence Malick inspiré (dont A. J. Edwards a été le chef monteur sur "À la merveille", et qui produit le film), convoquant caméra et musique aériennes, magnificence de la nature et importance du contact entre humains, ce dernier faisant souvent l'objet de gros plans. Si ici aussi le bonheur s'exprime en caressant les herbes et en courant dans les champs, la beauté des ellipses sur la mort de la mère ou de la parabole symbolique sur le futur assassinat de Lincoln laissent sans voix.
"The Better Angels" surprend ainsi à la fois par sa beauté esthétique, bénéficiant d'un sublime noir et blanc, de jeux de lumières parfaitement maîtrisés (les bougies qui vacillent, le feu qui déforme les contours des objets comme la chaise à bascule...), mais aussi par la générosité et la sensation de plénitude qui s'en dégage. Un film parfaitement abouti, où l'on s'attache étrangement à ces personnages en grande partie silencieux, tout en ressortant convaincus des messages délivrés sur le génie de l'homme et l'importance de l'éducation. On terminera donc en citant le personnage du père qui disait à son fils que « la semence ne peut rester éternellement dans le sol ». Il a va peut-être de même de ce réalisateur prometteur, qui saura, on n'en doute nullement, se dégager rapidement de l'ombre d'un maître aussi prestigieux.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur