SONS

Un film de Gustav Möller

D’une rare tension

Gardienne de prison serviable, Eva est sérieuse et bien intentionnée. Elle aide un détenu avec une machine à café, donne des cours de calcul, s’occupe des douches, et fait du yoga avec les prisonniers. Mais lorsqu’elle aperçoit l’un des nouveaux prisonniers, Mikkel, transféré ici, une certaine tension s’installe. Elle cherche une vidéo de son arrivée, découvrant lors de la séance de fouilles, qu’il est tatoué un peu partout. Rapidement, elle trouve un prétexte pour être transférée à la surveillance des quartiers de haute sécurité, où celui-ci est enfermé…

Présenté en compétition au dernier Festival de Berlin, "Sons" est un thriller carcéral danois à la tension remarquable. Nouveau long métrage, toujours rudement efficace et nerveux de Gustav Möller, réalisateur de la version originale de "The Guilty", celui-ci se concentre sur une gardienne de prison, dont on ignore initialement le lien avec un prisonnier particulièrement violent et jugé irrécupérable. Donnant ici le rôle principal à l’actrice danoise sans doute la plus internationale, Sidse Babett Knudsen ("Un hologramme pour le roi", "L'Hermine", "Juste Ciel !" et surtout connue pour la série télé "Borgen"), celui-Uci s’appuie notamment sur le regard de celle-ci, d’une immense noirceur, pour faire passer toute la haine et la soif de vengeance dont elle semble soudain habitée.

Avec une utilisation remarquable du son et de la musique (un bruit sourd s’installe dès la première fois qu’elle suit du regard le prisonnier...), l’auteur nous immerge rapidement dans ce milieu carcéral si reconnaissable, par ses décors comme ses codes, ainsi que progressivement dans la tête de cette gardienne qui passe en un clin d’œil de la bienveillante aux actes les plus mesquins, cherchant à humilier le détenu. En filigrane le scénario questionne autant la capacité de quelqu’un de bienveillant, croyant en la réinsertion et au changement des personnes, à gérer des prisonniers plus difficiles, tout comme la possibilité de réintégration ou non de certains individus dans la société. Doté d’une tension permanente, exploitant l’exiguïté des lieux tels l’intérieur de deux cerveaux tortures, "Sons" met face à face deux personnages au bord de l'explosion pour des raisons différentes. Et si sa peine à elle est capable de tout chambouler, elle fait certes sauter des barrières, mais y compris celle de sa lucidité lorsqu’elle pense être à même d’affronter et maîtriser le pire. Saluons enfin la prestation en permanence borderline du nouveau venu Sebastian Bull Sarning, aperçu dans "La Chasse" et "Submarino" de Thomas Vinterberg. Autant de raisons pour se laisser happer par ce thriller psychologique perturbant.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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