SONGS OF SLOW BURNING EARTH
Des images à fort impact
Dans la foulée de l’attaque russe sur l’Ukraine, en février 2022, les gens se précipitaient sur les trains disponibles, créant une importante cohue, alors que des voitures s’accumulaient à des points de contrôle. Les déplacements de populations résultaient entre autres en des classes bondées dans les villes éloignées du front, et la sidération devant les convois militaires ramenant les corps des soldats abattus…
Si on ne compte plus les documentaires sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine, "Songs of Slow Burning Earth" aura le mérite de marquer profondément les esprits. Après le laborieux "L’Invasion" de Sergei Losnitza, passé par les séances spéciales du Festival de Cannes et montrant l’omniprésence du conflit dans la vie quotidienne des Ukrainiens, ce nouveau documentaire se concentre sur la sidération, la fuite précipitée, les ruines et l’impact de la guerre sur les familles et les futures générations. Sans commentaires et ponctué de rares témoignages de personnes ayant connu l’occupation puis le départ des troupes russes, le film revêt un réel impact de par ses choix de montage et par certains plans saisissants.
Après le désordre et les tensions autour des évacuations (dans des trains bondés, par voie routière...), c’est d’abord la vie dans les villes à l’écart du front qui est effleurée. Plus que les vues de classes surchargées par les déplacés, c’est un long plan séquence en caméra subjective qui glace le sang. Montrant les gens agenouillés le long des routes, pour rendre hommage aux soldats tombés, alors qu’un convoi militaire ramène des corps, la longueur est aussi nécessaire que le temps hivernal, devenu symbolique en soi. Laissant s’exprimer des gens traumatisés, donnant à voir des enfants qui n’ont d’autre choix que de manier des armes, nous faisant rentrer dans une morgue du coup des autopsies (les bruits de scie font froid dans le dos...) comme en miroir des familles attendant les identifications, "Songs of Slow Burning Earth" choque par ses images des traces du conflit (tas de douilles au sol, obus non explosés, maisons comme figées dans le temps, découverte de fosses communes...) qu’il tache d’entretenir une pointe d’espoir avec des images d’hommes en pleine rééducation, tout en étant lucide sur l’embrigadement de ceux passés sous le joug russe.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur