SOMEONE YOU LOVE
Un drame épuré et puissant aux mélodies rock enchanteresses
La tagline de l’affiche plaçait la barre très haut en nous promettant une œuvre entre « Alabama Monroe » et « Walk the line », même pour Pernille Fischer Christensen auréolée d’un Lion d’or avec « Soap » en 2006. Cette fois-ci, la cinéaste nous conte le retour dans son Danemark natal de Thomas Jacob, un musicien parti trouver le succès à Los Angeles. Misanthrope et ancien alcoolique, l’homme était ravi de pouvoir s’enfermer dans une forteresse de solitude où les portes de son château n’étaient pas censées s’ouvrir. Mais son cœur, aussi froid que cet hiver qui l’entoure, va devoir se remettre à battre. Car sa fille débarque un jour, lui laissant son petit-fils en guise d’offrande. Elle fuit en cure de désintoxication ; l’ancien junkie qu’il a été doit alors affronter ses propres erreurs à travers les yeux de cette fille abandonnée.
Pour capturer cette rédemption, la réalisatrice a choisi la pureté d’une mise en scène sans artifice, l’élégance formelle en réponse au charisme brut d’un Mikael Persbrandt époustouflant. Échappé du « Hobbit » où il interprétait Beorn, le comédien éclabousse la pellicule de sa force virile, de son talent qui sied à merveille à cette froideur scandinave. La renaissance de cet homme cassé se fait dans un minimalisme où chaque détail a son importance, où les silences assourdissants résonnent dans les tripes des spectateurs. Âpre et pudique, le film inscrit sa fable humaniste dans l’économie des ressorts scénaristiques, préférant la puissance des ellipses et des mots aux tics de réalisation.
Si le dénouement est prévisible, la réalisatrice parvient à nous maintenir en haleine jusqu’à cette fin attendue, notamment grâce à des dialogues pudiques très bien écrits. Léché et dépouillé, le film brosse les grands sentiments humains par le prisme de l’intime, de l’amour salvateur en réponse aux démons intérieurs. Célébrité, solitude et relations familiales, là où Sofia Coppola sombrait dans une vacuité abyssale avec « Somewhere », Pernille Fischer Christensen dresse un portait d’un homme abîmé, à la voix rocailleuse, avec brio. Maîtrisé de bout en bout, le film nous offre une belle histoire d’amour inscrite dans la froideur nordique, bien loin de l’eau de rose hollywoodienne. Pourtant, ce sont bien les cœurs des spectateurs qui seront touchés par la grâce de ce métrage.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur