SOLE
L’éveil de sentiments
Un jeune italien est chargé d’accueillir une jeune polonaise et de prendre soin d’elle, le temps qu’elle donne naissance à un enfant dont elle devra se séparer au profit d’une famille adoptive…
Présenté dans la section Orizzonti du Festival de Venise 2019, le film italien "Sole" a pour personnages centraux un jeune italien (Ermanno) fan de jeux d’arcades et une jeune roumaine enceinte (Lena, 22 ans), dont il est chargé de s'occuper durant sa grossesse, et dont l’enfant est promis à l’oncle d’Ermanno, moyennant rémunération. Le film adopte une approche très clinique, proche par moments du documentaire, permettant de souligner l’aspect passif des deux jeunes, qui subissent les actions et décisions des adultes. La caméra reste ainsi centrée en permanence eux, cantonnant l’oncle et sa femme dans des recoins, quand ce n’est pas hors-champs, comme lors de la négociation de départ, autour du prix de l’enfant.
Sans jamais questionner la démarche du couple (ce n’est pas ici l’objectif), le scénario décrit cependant dans le détail chacune des étapes de cette gestation et transmission de l’enfant, parvenant par son rythme et l’absence apparente d’empathie du neveu, à caractériser le bébé comme une sorte de placement. Évoquant sobrement l’accouchement par trois plans très rapides, c’est par la suite que pointeront les signes d’un lien humain progressivement construit. Décrivant au final les rouages d’un système parfaitement rodé, face auquel les autorités semblent bien complaisantes (le dernier entretien avec les services sociaux est à la fois édifiant et cruel), "Sole" est un film d’une sobriété remarquable, accompagné d’une musique sourde, où chaque sentiment semble retenu à l’extrême.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteurFaire un film sérieux et glacial avec un rythme lent, n’est pas un problème en soit. Mais il vaut mieux être très doué pour s’y risquer, sinon le spectateur risque de ne pas le pardonner. Caricature de film d'auteur, "Sole" n’est pas un divertissement à aller voir en famille un samedi soir après le restaurant. C’est un film plat et triste, dôté d'une photographie terne. Ce style d'expression, choisi par l'auteur, n'en fait pas un mauvais film pour autant, demande de se mettre dans une certain condition mentale.
"Sole" n’est pas le film le plus ennuyeux qui soit, loin de là. Il est simplement victime d’une regrettable tendance à exagérer l’épurement au nom du réalisme. Ce drame social nous montre la complexité de l'instinct maternel, sujet qui ne peut pas se dissoudre aisément dans les lois du marché. Chaque personnage étouffe des sentiments pourtant palpables, qui laissent poindre le tragique en devenir. Tout est dans l'intériorité du jeux des acteurs, mais l'issue restera sans surprise.
David ChappatEnvoyer un message au rédacteur