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SMILE 2

Un film de Parker Finn

Let’s put a smile on that face !

Skye Riley est une chanteuse pop qui, après une traversée du désert, revient sur le devant de la scène prête à en découdre et à retrouver son public. Bien que les choses se déroulent comme prévu, Sky a du mal à gérer la pression et ses vieux démons vont recommencer à la hanter. Et il ne manquait plus qu’une entité métaphysique maléfique s’en mêle pour entraîner peu à peu la chanteuse vers une descente aux enfers…

En 2022, "Smile" de Parker Finn avait fait son petit effet au box office (213 millions et des brouettes mondialement pour un budget de 17 millions, c’est ce qu’on appelle être rentable) et parmi les amateurs de bonnes frousses. On en retenait alors surtout un film qui ne voulait pas tant rentrer dans le moule de l’horreur mainstream US (quasiment tout le catalogue récent Blumhouse, au hasard), mais plutôt croire mordicus à son sujet et son étude de personnages, pour nous rappeler que la peur était aussi une affaire d’état d’esprit. Et cela faisait un bien fou : malgré la présence de jump scares (symptomatique de ce cinéma d’épouvante américain qui marche à l’artificialité foraine du genre), le film arrivait à raconter quelque chose et était doté d’une mise en scène aussi sobre que maline. Les avis ont été assez tranchés côté spectateurs, et même de notre côté à la rédaction tout le monde n’est pas d’accord quant à la réussite de ce premier volet.

Alors quand le même réalisateur-scénariste annonce une suite à son film, certains y voient seulement une réponse logique dû à l’appât du gain (et nous le nions pas) et d’autres une vraie volonté d’auteur (Parker Finn était déjà derrière le scénario du premier) qui ne pouvait présager que le meilleur. Le film se pare d’une jolie interdiction aux moins de 16 ans (alors que le premier opus n’avait écopé « que » d’un moins de 12 ans avec avertissement) et ajoute 20 minutes au compteur (on frôle les 2h15). Il se présente à nous alors comme une suite plus que réussie, qui montre que Parker Finn en a sous le capot, connaît ses classiques, mais trouve sa propre voie et développe peu à peu un vrai monstre de cinéma loin des dames blanches et autres poupées en céramique, n’en déplaise aux sceptiques.

L’intelligence du scénario est de reprendre la structure narrative du premier en proposant des situations différentes et un approfondissement de ce qui faisait les qualités du film précédent. Ne serait-ce que sur le changement de type de personnage principal : on passe d’une psychiatre à une chanteuse de pop music. L’idée même de cette suite réside dans cette idée d’agrandir les espaces et dans le ludisme de son concept. D’une femme isolée en 2022, on passe à une super-star constamment entourée. On multiplie évidemment la menace, mais surtout les moments où Skye se retrouve enfin seule sont d’autant plus pesants et propres à l’introspection. Autant un miroir du film qui le précède qu’un approfondissement du thème général de cette saga naissante : les traumas et leurs conséquences. Si précédemment la psychiatre Rose Cotter était hantée par le souvenir du suicide de sa mère, présent dès la séquence d’intro, celui de Skye est bien plus insidieux et différent. Addict aux drogues et à l’alcool, la chanteuse a dû se racheter une conduite suite à un accident qui a coûté la vie à son petit copain de l’époque, Paul Hudson (interprété par le fils du grand Jack Nicholson, petit clin d'œil sympathique).

Le film prend le temps de distiller au fur et à mesure des fragments de ce moment de bascule de la vie de Skye, complétant ainsi la psyché de notre protagoniste en nous faisant découvrir au fur et à mesure la noirceur qui l’habite. Là où Rose Cotter se faisait dévorer l’esprit assez progressivement, ici grâce à un malin outil de scénario, on constate que notre très chère Skye est un cas bien plus meurtri que ce que l’on pensait et se fait consumer le cerveau depuis plus longtemps que ce que le film nous fait croire. Mention spéciale à son interprète, Naomi Scott, qui prouve à tout le monde qu’elle sait jouer autre chose que Jasmine ("Aladdin" version Guy Ritchie en 2019) et livre une prestation folle, jamais dans le surjeu, avec cette émotion à fleur de peau qui contribue énormément à notre immersion ainsi qu’à transmettre ce sentiment de peur. La descente aux enfers n’en est que plus brutale, plus organique aussi, et l’utilisation de jump scares est faite avec un réel savoir faire que James Wan ne renierait pas. Beaucoup moins parasitant que dans l’opus précédent, ils sont orchestrés avec minutie et assez de malice pour qu’on se fasse avoir au moins une fois.

Parker Finn convoque aussi bien la magie du montage, de l’écriture et de la mise en scène, pour nous embarquer dans l'abîme en compagnie de son héroïne et on se surprend à penser à des influences qui lorgnent du côté de la saga vidéoludique Silent Hill où les psychés de personnages modifient leur réalité au point où tout semble n’être que rêverie, où les monstres qui l’habitent prennent différentes formes reflétant la violence intérieure du protagoniste et la mise en scène installe cette pesanteur qui lorgne du côté du malaise. Si James et Henry ont leur propre Silent Hill, Rose et Skye ont leurs propres Smile qui reflètent le pire d’elles-mêmes. La bande originale signée par Cristobal Tapia de Veer enfonce le clou de cette filiation tout en résonance sourde, de basses agressives et de mélange de voix et bruits métalliques. Évidemment qu’on pense alors à ces sublimes partitions d’Akira Yamaoka sur la franchise d’horreur vidéoludique. Le cinéaste a l’intelligence de ne pas tant expliquer cette entité, au contraire. Il continue de développer un brouillard épais qui ne nous permet toujours pas de saisir réellement ce qu’est cette Chose. La peur n’en est qu’accentuée et on ne peut que se réjouir de voir qu’il existe encore un espace dans les grands circuits pour des films d’horreurs qui nous donnent exactement ce qu’on est venu voir : un divertissement honnête, intelligent, généreux, et qui marque les esprits avec l’agréable sensation, en sortant de la salle, de demander du rab.

Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur

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