SLAM
L’enfer des préjugés
Ricky est un jeune Australien d’origine palestinienne qui mène une vie heureuse avec sa femme Sally. Le jour où sa sœur Ameena disparaît, elle est très rapidement suspectée d’avoir rejoint l’État islamique en Syrie. Sujet au doute et à la suspicion aux yeux des médias et de son entourage, Ricky voit sa vie d’autant plus bouleversée qu’au même moment, les informations télévisées tournent en boucle sur la capture d’un pilote australien en Syrie par des djihadistes…
Le second film de Partho Sen-Gupta ("Sunrise") a mis presque trois ans à trouver le chemin des salles (pour une raison qu’il n’est plus utile de citer), mais il tombe très clairement à point nommé au vu d’une actualité qui sent fort le souffre pseudo-contestataire et l’emballement médiatique à tendance péremptoire. Énième drame centré sur une rumeur médiatique qui ne cesse de prendre des proportions terribles pour celui qui en est l’objet, "Slam" s’impose avant tout comme un double portrait. D’un côté, celui d’un homme immigré qui, par la force des choses, prend conscience de ne plus être accepté par son pays d’accueil et sa belle-famille. De l’autre, celui d’une policière marquée par un drame personnel en lien avec l’engagement militaire et les exactions djihadistes au Moyen-Orient. Deux intrigues montées en parallèle qui, comme dans 95% des doubles intrigues converties en téléfilms du mercredi soir ou en livres de poche pour l’été, vont forcément se rejoindre à un moment donné et dessiner un écho commun en lien avec le propos. On notera qu’en étant un peu familier du sujet du film et des films qui l’ont déjà traité, le lien entre les deux intrigues peut être facilement grillé dès la première demi-heure (on restera quand même muet pour ne pas faire de déçus…).
Dans sa facture même, "Slam" coche toutes les cases du drame indépendant à haute valeur militante et réflexive, qui n’hésite pas à aborder des problématiques douloureuses et universelles tout en bannissant le pathos et l’outrance qu’un tâcheron hollywoodien lambda n’aurait pas manqué de lui injecter. Parfaitement interprété en l’état, le film opte même pour une série d’idées de mise en scène, certaines très accessoires (la surimpression plein écran de messages issus des réseaux sociaux, ça saoule !), d’autres capables d’épouser et de rendre palpable le vertige identitaire et/ou existentiel des deux protagonistes. Sur ce dernier point, et pour contrebalancer une photographie étrangement assombrie du début à la fin, on notera surtout quelques effets de snorry-cam ou de belles parenthèses oniriques sur des scènes de guerre avec filtre rouge sang.
C’est hélas sur le versant narratif que les belles promesses du film n’évitent pas toujours le mur. Outre le fait de se coltiner une intrigue un peu cousue de fil blanc, on sent trop souvent la volonté du cinéaste de faire passer des slogans et des idées davantage par le verbe que par l’image. Il en est toujours ainsi avec ces scènes de théâtre lourdement sentencieuses sur les préjugés et la division (d’où le titre du film ?), et surtout avec ces infos télévisées en voix-off dont l’omniprésence finit par laisser croire que le scénario a été structuré en fonction d’elles. Sans parler d’une chute finale qui enfonce le clou sur le thème de la xénophobie, eu égard à l’époque toujours plus intolérante dans laquelle nous vivons. Tout cela a tendance à affaiblir quelque peu l’impact d’un film qui avait tout en main question audaces pour se démarquer du tout-venant, mais dont la réelle singularité n’est hélas qu’aléatoire. Au moins, pour sa remarquable interprétation et pour la façon dont il cherche à sensibiliser son public en le travaillant par une armada de doutes et d’ambiguïtés, il mérite assurément le coup d’œil.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur