SLALOM
Un premier film en permanent équilibre
Lyz a 15 ans, elle vient d’intégrer une section ski-études à Bourg-Saint-Maurice, incluant un entraînement de 10 heures de sport par semaine et une vingtaine de courses sur la saison. L’enjeu pour elle réside à la fois dans la prise de muscles et de prouver qu’elle a bien sa place parmi les autres. Fred, leur entraîneur, lui met une réelle pression…
Pour son premier long métrage, Charlène Favier a choisi un sujet d’actualité qu’elle traite avec tact et suffisamment de distance pour créer le malaise tout en évitant tout sensationnalisme. Elle nous plonge au cœur de la relation de domination qui s’impose progressivement à une jeune skieuse de 15 ans, prenant sur ses épaules les enjeux d’une future carrière de sportive de haut niveau. S’intéressant d’abord à l’intensité de l’entraînement, elle décrit à la fois l’effort, la souffrance, évoquant par un simple coup de téléphone à une mère distante l’effort financier consenti par la famille, et traduisant ainsi tout le poid de son rêve devenu celui des autres.
S’ajoute ensuite progressivement la pression mise par l’entraîneur (Jérémie Renier, troublant d’ambiguïté grandissante). D’emblée celui-ci, dans une scène d’exercice des genoux, apparaît comme celui qui dirige, sa présence s’imposant par sa voix, extérieure à ce plan légèrement flou. Disséquant ses moindres gestes, la réalisatrice montre son omniprésence et la manière dont il profite et amplifie l’isolement de la jeune fille, tout en la faisant se sentir « spéciale ». La manipulation mentale, qu’elle soit consciente ou non, que l’objectif de départ soit clair ou non, se dessine peu à peu. Ainsi le scénario navigue en permanence sur le fil du rasoir, mettant en évidence l’incapacité de la jeune femme à refuser quoi que ce soit à son entraîneur.
Avec ce rôle, la jeune Noée Abita se positionne en véritable révélation, sorte d’étendard de celles qui n’ont pas su ou pu dire « non ». Charlène Favier quant à elle soigne ses cadres, magnifiant les montagnes alentour, nous plonge au cœur de courses où le cœur s’emballe et la vue se brouille. Attachée en permanence au trouble ou à la paralysie de son personnage, qu’elle n’hésite pas à capturer de très près, jusque dans les détails les plus sordides, son "Slalom" joue discrètement avec les symboliques, d'une errance nocturne, d'un tunnel devenant flou, d'un souvenir particulier, évoquant ainsi douleur comme espoir d'une issue. On en ressort moins ému que tétanisé, mais c’était sans doute là aussi l’objectif : nous faire toucher du doigt l’impuissance.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur