SISU – DE L'OR ET DU SANG
Finnish the carnage
Finlande, 1944. Tandis que le IIIème Reich est en pleine agonie, un ancien soldat découvre un gisement d’or en plein milieu de la nature sauvage et hostile de la Laponie, alors occupée par les nazis. Lorsqu’il croise un bataillon de soldats SS qui voit d’un œil envieux son précieux butin, il ne reculera devant rien pour le garder…
Durant la séance de clôture des dernières Hallucinations Collectives, le public lyonnais fut une fois encore dans une posture de privilégié, qui plus est gonflé à bloc face à un film alors présenté pour la première fois dans une salle française et auréolé d’une réputation de carnage ultra-jouissif. C’est bien simple : à en croire les organisateurs, "Sisu" aurait provoqué une hystérie collective de fou furieux lors de sa sélection au dernier festival de Sitges (où il rafla d’ailleurs la majorité des prix). Avec aux commandes le réalisateur finlandais de "Père Noël Origines" et de "Big Game", et surtout avec un concept riche en perspectives hardcore (un chercheur d’or mutique de la Laponie de 1944 se retrouve pris en chasse par un escadron de soldats nazis qui veulent s’emparer de son butin), ce film très attendu au titre finnois intraduisible – mais qui désignerait pourtant une « détermination hors du commun » – fut vendu comme une tuerie totale, un déferlement de barbaque, une machine à charcuter du Waffen-SS à la chaîne, bref la séance idéale pour décompresser et exorciser en fin de festival toute la pression que l’on aurait pu ressentir jusqu’ici. Avant tout à coup de se remettre en position de méfiance, conscient que l’on est de voir souvent dans un abus de dithyrambes hystériques entendues en festival le résultat logique d’une projection à Sitges, à Toronto ou à Cannes – ce genre de séance a toujours le chic pour produire un excès absurde, tant dans la louange que dans l’opprobre. Et ça n’a pas loupé.
Tant d’attentes furent ainsi gonflées jusqu’à l’usure pour, au final, ne constater hélas qu’une hystérie au point mort au sein d’une salle obscure où les fous rires et les signes de jubilation se firent assez rares. Tant de buzz injustifié devant ce qui ne fut finalement rien d’autre qu’une petite série B pas honteuse mais pas mémorable. Ne serait-ce que par la division du récit en chapitres et la fureur graphique du générique de fin, on sent l’envie de Jalmari Helander de s’inscrire dans tout un pan du western guerrier et bisseux, et ce des années après qu’Enzo Castellari et Quentin Tarantino aient, chacun à leur manière, imposé des standards précis en la matière. Mais pour cause d’un récit linéaire qui prend un peu trop son temps au lieu de donner chair à une furie sanglante ininterrompue, le rythme en dents de scie accuse de sévères baisses de régime jusqu’à un troisième acte qui va même jusqu’à se la jouer "Fury Road" du pauvre avec une grosse scène d’action sur route et une poignée d’amazones captives en mode rébellion – mais sans le charisme et l’humanité des héroïnes du chef-d’œuvre barbare de George Miller. Que le seul vrai sourire esquissé durant "Sisu" se résume aux deux lignes de dialogue libératrices qui précèdent le générique de fin est un signe de frustration qui ne trompe pas.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur