SIBEL
Une réflexion sur la communication et les étiquettes que l’on peut mettre sur les gens
Dans un village perdu dans les montagnes turques, Sibel part à la chasse au loup. Muette, elle ne peut communiquer qu’en utilisant la langue sifflée. Elle espère que si elle parvient à débarrasser le village du loup, cela mettra fin à son statut de paria. Pendant l’un de ses raids dans la forêt, elle est attaquée par Ali, un jeune homme mystérieux…
"Sibel" est la dixième collaboration du couple de réalisateurs turquo-français Çağla Zencirci et Guillaume Giovanetti. Ils s’intéressent une nouvelle fois aux formes de communication, en particulier ici à la langue sifflée, mais aussi en raison d’une performance incroyable de Damla Sönmez, à la possibilité de faire passer les émotions par le regard, le visage et la respiration.
Ainsi, la langue sifflée, qui aurait pu apparaître comme un prétexte, est complètement intégrée au film. C’est le seul moyen qu’a le personnage principal de communiquer avec le reste du monde. C’est un handicap qu’elle refuse d’assumer. Étant muette dans un village superstitieux, Sibel n’est pas considérée comme une femme. Ce statut lui offre à la fois des libertés, mais lui inflige aussi une vraie souffrance en raison de son isolement.
La forêt, l’un des lieux majeurs du film est dense, sauvage. Elle existe à l’écran par l’éclairage réaliste et aussi le travail sur la bande son. Elle entoure et happe le spectateur, comme Sibel. On sent un important travail sur la couleur, la lumière et le son, très payant.
"Sibel" est un film très social, qui malgré ses aspects intemporels est vraiment un film de son temps. Dans un village qui semble pouvoir appartenir au début du siècle, on retrouve la télé et les téléphones portables. L’évolution générationnelle est aussi rendue par le parallèle qui existe entre Sibel et une vieille femme qu’elle assiste, Narin, devenue folle après la disparition de son amant Fuat.
Le film s’intéresse également aux différents rapports homme femme. Dans le cercle de la famille, d’une part, avec la relation qu’un père entretient avec ses deux filles très différentes, l’une ayant soif de liberté et l’autre, enfantine, voulant jouer le jeu social et se marier. Il y a aussi le rapport que le père de famille, chef du village, a avec l’entremetteuse qui vient lui dire de se remarier. Ici le film questionne la place du veuf dans une société très traditionnelle. Enfin, c’est autour de la figure de l’autre, Ali, l’homme mystérieux que Sibel rencontre et cache dans les bois, que le film s’articule et va permettre à la jeune femme de grandir.
En somme, un très bon film qui réfléchit sur la communication et les étiquettes que l’on peut mettre sur les gens. Un film qui invite à la curiosité et dont la bande son et l’image sont splendides. A voir.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur