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SHE'S GOT NO NAME

Un film de Peter Ho-Sun Chan

Un drame classique et laborieux, aux velléités pourtant louables

Une jeune femme est accusée du meurtre de son mari. Mais rapidement des doutes jaillissent quant à sa réelle culpabilité…

Dans une édition où le Festival de Cannes a décidé de ne pas avoir de film de clôture, c’est donc "She’s Got no Name" qui aura eu les honneurs de la dernière projection au sein du Grand Théâtre Lumière. Réalisé par Peter Ho-Sun Chan, déjà passé sur la Croisette avec "Swordsmen" en 2011, le métrage raconte le destin d’une jeune épouse accusée du meurtre de son conjoint, miroir de la lutte pour les droits sociaux des femmes. Le titre est loin d’être anodin ; à cette époque, les femmes issues des classes les plus pauvres étaient littéralement anonymes, jusqu’à ce qu’on leur donne un patronyme, souvent mélange des noms de leur ancien maître et de leur mari.

Zhan Zhou connaît ainsi un destin similaire à nombreuses de ses semblables, issues du prolétariat, obligées de se soumettre aux règles d’une société extrêmement patriarcale. Lorsqu’on la découvre recluse dans l’appartement miteux qu’elle occupait, aucun doute pour la police, c’est elle qui a démembré celui qu’on surnommait « Big Bear ». Évidemment, sa petite taille et son corps chétif ne semblent pas vraiment adaptés pour pouvoir maîtriser un grand gaillard de plus d’1m90, mais ça ce sont des détails superflus. Elle est coupable, un point, c’est tout. Le drame ne sera alors pas un whodunnit mais plutôt un whydunnit, les motivations supposées de la protagoniste nous permettant de retracer son parcours, et en parallèle celui de la condition féminine.

Si le film a tendance à abuser des effets narratifs, multipliant les temporalités (flash-back, présent, pièce de théâtre qui rejoue l’affaire), l’intrigue a le mérite de faire résonner en nous un écho contemporain, rendant difficilement supportables les scènes de violence domestique et l’injustice criante contée sous nos yeux. S’appuyant sur des personnages caricaturaux, et souffrant de plusieurs longueurs, "She’s Got no Name" est un pamphlet appauvri par sa mise-en-scène douteuse mais dont le message n’est en aucun remis en question, tout en offrant un regard sur un contexte politique souvent méconnu (l’occupation japonaise de Shangaï). Certes, cette œuvre engagée, inspirée d’un fait réel, a peu de chances de rester dans les annales. Mais elle aura permis de conclure un festival décidément agité par la libération de la parole dans ce milieu resté maintes fois trop silencieux. Et on ne va certainement pas s’en plaindre !

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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