LE SENS DE L'HUMOUR
Le deuil et son impossible partage
L'essentiel du premier film de réalisatrice de Marilyne Canto (actrice dans "Les femmes… ou les enfants d’abord" et récemment dans "La tendresse") réside dans la dureté de son personnage et dans la sobriété de sa mise en scène. Partagée entre un légitime besoin d'affection, voire de perdition dans une relation physique, et de brusques réactions, exprimant son profond dégoût de la vie et des hasards qui l'ont privé de l'être aimé, elle interprète elle-même cet oiseau blessé, perdu entre fragilité soudaine et cruauté frontale.
Sa confrontation avec le personnage d'Antoine Chappey, prêt à presque tout accepter, patient et stoïque, est d'une âpreté confondante, portée par des dialogues à la fois simple et profonds, exprime entre deux frôlements de corps prêts à communiquer, une distance qu'on ne saurait mesurer, entre deux cœurs, l’un blessé, l’autre en attente. Traitant du difficile discernement des limites en amour, le scénario, finement écrit, se résume en une phrase, lancée par Paul, excédé, à Elise : « ton histoire ne te donnes pas tous les droits ». Histoire de respect de l'autre, de passage d'un cap en termes de deuil, d’acceptation d’une douleur qui ne s’efface que peu à peu, "Le sens de l’humour" met face à face deux personnages forts dans une histoire d'une simplicité déconcertante. À découvrir sans avoir déjà le cœur gros.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur