Festival Que du feu 2024 encart

SELF MADE

Un film de Shira Geffen

Une comédie noire, rapidement agaçante

Deux femmes, l’une israélienne, l’autre palestinienne ; l’une artiste renommée, l’autre petite ouvrière. Leurs mondes semblent complètement opposés, pourtant leurs destins vont se retrouver inexplicablement liés, jusqu’à défier les lois du réel…

Après avoir triomphé en 2007 avec « Les Méduses », conte de fée onirique et esthétique, Shira Geffen faisait cette année son retour au festival de Cannes du côté de la Semaine de la critique. Malheureusement, le résultat est bien loin de sa précédente réalisation, le film manquant cette fois-ci complètement sa cible en raison de facilités scénaristiques et d’une mise en scène brouillonne. Le métrage débute par un lit qui se casse, une femme en reçoit un coup sur la tête et hérite d'une amnésie totale. Progressivement, le mystère autour de cette femme s’éclaircit, le spectateur découvre alors qu’elle est une artiste juive influente, avant-gardiste et jusqu’au-boutiste, s’étant même fait retirer son utérus pour en faire un sac – Oui, elle ne rigole pas quand il s’agit d’Art.

Et le destin de cette féministe va se retrouver mêlé à celui d’une jeune palestinienne, d’abord indirectement, jusqu’à échanger littéralement leurs vies sans que personne ne s’en aperçoive. La comédie à l’humour noir emprunte alors les sentiers du fantasmagorique et du surréaliste pour traiter de l’identité sexuelle et religieuse, et pour souligner les frontières poreuses entre ces deux univers où se confinent ces femmes. Alors que la coutume de rigueur pour traiter du conflit israélo-palestinien est le drame dur et sans concession, le choix de l’absurde paraissait aussi ambitieux qu’intéressant. Indéniablement, la réalisatrice maîtrise parfaitement sa trame narrative, réussissant à imbriquer toutes ces saynètes improbables pour lier le destin de ces deux êtres avec une aisance jouissive.

Néanmoins, l’exercice de style finit par se regarder lui-même, se focalisant sur ses effets et négligeant considérablement le propos. Et la surabondance de situations burlesques de devenir agaçantes. L’originalité s’estompe, les ficelles deviennent apparentes, les quiproquos de plus en plus prévisibles et le temps de plus en plus long. Finalement, les thèmes de l’endoctrinement ou de la perte d’identité seront à peine effleurés, au profit d’une mise-en-scène étouffante et outrancière. De belles promesses initiales complètement bafouées pour un objet faussement arty qui aurait mérité un meilleur dénouement...

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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