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SEE YOU YESTERDAY

Un film de Stefon Bristol

Métaphore d’une envie de changement

CJ (pour Claudette Josephine) et Sebastian sont deux adolescents afro-américains brillants vivant à New York. Ils sont sur le point de finaliser l’invention d’un sac à dos permettant de revenir dans un passé proche. Ils rêvent de réussite, dans une société où la triste réalité discriminatoire se perpétue, alors qu’une énième bavure policière a coûté la vie à un Noir…

Disponible sur Netflix à partir du 17 mai 2019

Stefon Bristol, qui adapte son propre court métrage homonyme (notamment montré au prestigieux festival de Tribeca en 2017), signe son premier long métrage sous le double patronage de Spike Lee et de Netflix. Vu le sujet, le soutien du réalisateur de "Malcolm X" et "BlacKkKlansman" n’est pas étonnant. Bristol évoque en effet lui aussi les discriminations dont sont victimes les Afro-Américains, en insérant cette thématique dans le cadre d’un teen movie de science-fiction. Dit comme cela, ça peut faire fourre-tout, mais l’un des points positifs du film tient dans sa capacité à ne pas trop plonger dans l’une ou l’autre de ses caractéristiques. Ainsi, le sujet des discriminations est plus transversal que central, l’aspect teen movie n’est pas si appuyé qu’on pouvait le craindre (malgré quelques enjeux d’amourette, on penche plutôt du côté des "Goonies") et la science-fiction n’est finalement qu’un aspect fun et un prétexte (on se fiche un peu du manque de crédibilité technologique de l’histoire !).

"See You Yesterday", dont le titre oxymoronique fait penser au "C’est arrivé demain" de René Clair et à la série "Demain à la une" qui s’en inspirait, commence en affichant clairement ses références, à la fois sérieuses et pop. Dans la salle de classe, l’héroïne lit le célèbre ouvrage de vulgarisation "Une brève histoire du temps" ("A Brief History of Time") de Stephen Hawking ; son partenaire tient pour sa part un comics de Kwanza Osajyefo et Tim Smith III intitulé "Black" (qui suit l’histoire d’un Afro-Américain qui survit miraculeusement après qu’un policier lui a tiré dessus) ; et le prof de sciences est plongé dans le roman "Liens de sang" ("Kindred") d’Octavia Butler, qui narre les aventures d’une Afro-Américaine des années 1970, qui se retrouve propulsée dans une plantation esclavagiste du siècle précédent. Histoire d’annoncer encore plus la couleur (au risque d’être un chouïa lourdingue), ce même prof est incarné par Michael J. Fox lui-même, qui dit aux ados que le voyage dans le temps est impossible et jure avec le cultissime « Nom de Zeus » (« Great Scotts » en VO) et un peu plus tard, on aperçoit une autre référence à "Retour vers le futur" avec un dessin du fameux « convecteur temporel » du Doc. Ce clin d’œil cool n’est pas si innocent : en faisant de Marty un prof, c’est une façon de dire que les choses peuvent basculer.

Une fois cet affichage passé, l’histoire peut réellement commencer… et devenir de plus en plus dramatique ! Alors que l’on pouvait croire à un film pop et fun, ce long métrage s’avère finalement plus politique et métaphorique, et donc bien plus riche qu’un simple divertissement soi-disant pour ados. Alors que CJ se démène pour résoudre un gros « problème » (ne révélons rien, même si la première demi-heure est prévisible), la situation semble empirer à chaque pas. Le parallèle avec le mouvement « Black Lives Matter » est de plus en plus prégnant et le film ressemble de plus en plus à un cri désespéré qui consisterait à dire : si l’on ne peut plus changer le passé, il est grand temps de faire évoluer le présent. En donnant le premier rôle à une fille, Stefon Bristol est d’ailleurs là aussi dans l’air du temps et l’envie de changement, en inversant le fameux « syndrome Trinity ». Reste que la fin, bien que pertinente, peut paraître frustrante, voire peu inspirée. Cela ne gâche toutefois pas l’essentiel.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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