THE SECRET
Enfance sacrifiée, enfance sanctifiée
Quel mystère ce cache derrière les disparitions d’enfants ? Voilà le sujet de ce film incroyable, aussi inattendu qu’excitant et efficace. Cinéaste en perpétuel questionnement, tant sur son art que sur le monde qui l’entoure, Pascal Laugier ne pouvait décemment pas persévérer dans la voie tracée par son précédent film, le très controversé « Martyrs ». Conçu dans l’urgence, la rage et la dépression, cet opus à l’ultra-violence estomaquante et au discours volontiers ambigu, contenait pourtant en lui les germes de ce "Tall Man" (titre original bien plus évocateur que celui choisit pour la France), dans sa construction formelle et narrative, comme dans sa volonté évidente de creuser la question de l’enfance en se basant sur son innocence supposée et la manière dont le monde des adultes peut en abuser.
Mais il y a deux films dans ce "Secret" si bien gardé. Celui vendu par les affiches et la bande-annonce est le plus évident : un exceptionnel thriller horrifique au rythme éprouvant, dont la description d’une petite ville et la gestion de sa légende urbaine (le « Grand homme » du titre) évoquent l’univers de Stephen King. Une actrice impliquée (Jessica Biel, définitivement loin de « 7 à la maison »), un montage inspiré et une mise en scène allant sans cesse à l’essentiel, voilà ce qui fait la force d’une première partie de métrage n’ayant rien à envier aux meilleurs films du genre, le petit plus venant du soin apporté par Laugier à décrire cet environnement et les gens qui l’habitent. On se prend alors vite d’affection pour ce bled paumé, meurtri par la perte de dizaines d’enfants au fil des années.
Et c’est précisément là qu’est le génie de Laugier, dont l’écriture méticuleuse et la réalisation faussement classique ne faisaient que préparer le spectateur au vrai propos du film. A son âme véritable. Car passées ses éprouvantes trente premières minutes, "The Secret" devient un tout autre film. Difficile d’en dire plus sans gâcher la surprise, mais il est juste bon de savoir que dans ses réflexions, son atmosphère et sa facture formelle, le film développe un univers personnel à l’ambiguïté bienvenue, dans le prolongement de ce que Laugier avait déjà abordé dans ses précédents films. Libre au spectateur de rejoindre le cinéaste dans son propos, ou d’en éprouver quelque rejet, mais l’humanisme dégénéré dont il fait preuve ne laissera personne indifférent. Et pour l’auteur de ces lignes, c’est bien là tout ce qui fait la force de ce chef-d’œuvre. Ni plus. Ni moins.
Frederic WullschlegerEnvoyer un message au rédacteur