SAULES AVEUGLES, FEMME ENDORMIE
Ode à la mélancolie
Tokyo, peu après le tremblement de terre de 2011. Trois histoires individuelles s’entremêlent sur fond des nouvelles de la catastrophe de Fukushima : une femme quitte soudainement son mari, un homme nouvellement célibataire se pose des questions existentielles et un employé de bureau stressé reçoit la visite d’une grenouille géante…
"Saules aveugles, femme endormie" (qui a reçu la mention du Jury au festival d’Annecy 2022) est un film qui oscille entre deux cultures. Scénario français, adapté d’un recueil de nouvelles japonaises ; animation française, décors et personnages japonais. Cette histoire, Pierre Földes l’a écrite en rassemblant six nouvelles, choisies dans l’œuvre du prolifique Haruki Murakami (dont c’est loin d’être la première adaptation cinématographique, on se rappelle notamment du très beau "Burning" du coréen Lee Chang-dong ou du plus récent "Drive my car" du japonais Ryusuke Hamaguchi).
"Saules aveugles, femme endormie" est un film à plusieurs facettes ; à l’image de toutes ces histoires qui s’entremêlent pour réussir à former un tout harmonieux, comme un grand éventail en papier, fragile et aérien, composé pourtant d’une multitude de petites pliures. Une subtilité propre aux récits Japonais côtoie ainsi de longs dialogues à la française dans lesquels les personnages analysent leurs doutes. La ligne claire européenne se mêle à l’ambiance d’une Tokyo sombre, que semble noircir encore l’annonce des quelques postes télé qui relèguent les nouvelles de Fukushima.
Entre Japon et France donc, "Saules aveugles, femme endormie" est un film faisant le pari de l’introspection plutôt que de la démonstration. Les trois personnages que nous suivons dans ce récit doux amer, semblent trembler à l’image de la terre qui les entoure, en proie à des interrogations dont ils sont seuls à connaître les réponses. Ici, le fantastique côtoie la folie ; le chagrin amoureux, la solitude du deuil dans une ambiance d’une douce mélancolie.
Alors, spectateurs attentifs que nous sommes face à ces précieux moments de vies, nous nous employons à récolter, patiemment, comme on récolte un trésor, tous ces petits instants de poésie qui en disent long. "Saules aveugles, femme endormie" est ainsi un film qui plaira à tous ceux qui aiment prendre le temps de se laisser porter par une histoire, histoire dont l’ambiance restera longtemps imprégnée dans leurs esprits.
Amande DionneEnvoyer un message au rédacteur