SANS UN BRUIT : JOUR 1
Un spin-off dispensable
Samira est dans un centre de soins palliatifs à New York dans l’attente de son dernier souffle. Mais c’était sans compter une pluie de météorites transportant toute une colonie d’aliens belliqueux. Très vite la solution pour la survie devient claire : ne pas faire de bruit…
La saga "Sans un bruit" ("A Quiet Place" en V.O.) est une saga initiée par John Krasinski ("The Office") en 2018, autant au poste de réalisateur que d’acteur, avec pour rôle le père de famille aux côtés d’Emily Blunt. Auréolé d'un succès surprise (rappelons que ce premier film avait coûté « seulement » 17 millions de dollars et en avait rapporté 300 dans le monde), très vite une suite fut envisagée et l’envie d’étendre cet univers avec. La suite, "Sans un bruit 2", arrivera courant 2021 et avec un succès critique et de rentabilité au rendez-vous. C’est alors que Krasinski et la Paramount se penchent sur une histoire parallèle afin de compter le début de l’invasion. Jeff Nichols ("Take Shelter", "Mud", "The Bikeriders") est alors envisagé pour le mettre en boîte. Et au vu du résultat, on est forcément curieux de savoir quel film nous aurions pu avoir à la place, puisqu’il a été remplacé par Michael Sarnoski ("Pig" en 2021 avec Nicolas Cage, c’est lui).
Le film ne constitue clairement pas un mauvais moment, mais n’est finalement pas à la hauteur des promesses qu’offrait un terrain de jeu comme la ville de New-York. Surtout qu’avec son carton d’introduction nous présentant la ville qui ne dort jamais et son niveau sonore équivalent à un cri constant, nous étions en droit de saliver d’avance des multiples situations qui pourraient en découler. Hélas le cinéaste et ses scénaristes (le papa de la franchise John Krasinsky participe à l’écriture aussi) ne font que répéter des situations et des actions vues dans les films précédents. Que ce soit un pauvre malheureux qui se fait faucher par une créature de façon brutale et rapide ou l’énième coup dans une canette que tous les aliens entendent, le film ne fait pas preuve d’originalité et n’exploite pas assez son nouveau décor. Pire, il singe même papy Spielberg et sa "Guerre des Mondes" (2005) lors de l’invasion avec caméra collée au personnage, brume et effet choc (imagerie post 11 Septembre dont le film de Spielberg atteignait le paroxysme).
Ici on ne voit finalement que des choses que l’on a déjà vues ailleurs. Et même si on apprécie que le film traverse la plupart de ses séquences via le point de vue de Samira (talentueuse Lupita Nyong’o) et de son ami de route Eric, ceci en essayant de ne pas trop le sacrifier sur l’autel du spectacle et en choisissant une vraie échelle pour raconter son histoire, les situations n’ont pas été réimaginées. Pire, plus la franchise grandit dans son ambition pour montrer toujours plus (on est parti d’un lieu unique et d’une ferme en pleine campagne dans le 1, pour arriver dans un groupe de survivants sur une île dans le 2), plus les coutures autour de ce concept (ne pas faire de bruit) sont grossières et incohérentes. Ne parlons pas du chat, très mignon au demeurant, mais utilisé à peine une fois au début pour un moment de tension, et plus jamais ensuite. Relégué au rang de peluche que l’on peut transporter, jeter dans les airs et mettre sous l’eau, cet élément du récit aurait pu donner moult moments de tensions ou même de dilemme moral pour nos personnages. Quel dommage de voir tant de potentiel à peine effleuré (jolie idée avec le bruit du tonnerre qui couvre les bruits, mais utilisé une unique fois) et surtout sans réel moment marquant ou qui marque la rétine.
Bien que la notion du rapport à la mort soit une thématique intéressante, mise en place avec le personnage principal de Samira en phase terminale, il y avait là aussi matière à faire un parallèle entre le fin du monde et la fin de son monde à elle, qu’elle embrasse. Mais non, on aura plus le droit à une séquence de tour de magie pour lui remonter le moral et un énième climax (bien entendu prévisible) pour clôturer son arc. On a vraiment l’impression d’être face à une version plus policée que les précédents films (la classification tout public n’aide clairement pas), qui se permettaient d’être cruels comme il faut (un enfant qui se fait dévorer, un clou dans le pied au pire moment, un accouchement qui risque de poser souci). Car ce film dérivé n'essaie à aucun moment de jouer avec ces concepts. Quel dommage d’avoir placé cette action dans la ville de New York, alors qu’elle aurait pu se dérouler à Bourboule en Corrèze qu’on aurait pas vu la différence. Paré pour un quatrième ?
Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur