Festival Que du feu 2024 encart

SANS TOI

Un film de Sophie Guillemin

Une passion figée dans les glaces

Antoine, la cinquantaine, négociant en vin, s’énerve face à une vignerone un peu dissipée, qui s’effondre devant lui, expliquant que son mari est parti, malgré tous ses efforts. De retour chez lui, après avoir reçu un coup de fils de Russie, il repart subitement là-bas, laissant en plan sa famille. A Moscou, il cherche une autre femme, croisée quelques temps avant…

Sans toi film movie

"Sans toi" est un film déroutant. S’ouvrant sur un homme nu qui marche sur la glace gelée de ce que l’on suppose être un lac, une intrigante citation de Victor Hugo nous renvoie ensuite en arrière, en France, dans un vignoble. S’en suit une scène ratée de face à face (ou plutôt de cote à cote) entre l’homme, vêtu d’un costume, négociant en vin, et une productrice, introduisant à la fois le sujet (le manque de l’être aimé), mais aussi un apparent détachement du personnage, affirmant qu’il n’est pas influencé par l’état psychologique de cette femme lorsqu’il lui passe commande, alors qu’il va lui-même plonger dans un état parallèle en refusant de lâcher prise et en tentant de retrouver une mystérieuse Solange, rencontrée en Russie. La scène souffre en effet à la fois d’un manque de naturel des dialogues et de vrais défauts d’interprétation côté personnage féminin.

Le métrage est construit à la manière d’une plongée en dépression, dévoilant peu à peu les motivations du personnage principal. Il comporte donc quelques flash-back sur les contacts entre Antoine et Solange, censés représenter une magie de la rencontre et une passion que l’on a bien du mal à saisir, sans doute faute de développement des deux personnages. Le scénario joue ainsi sur la longue errance du personnage (accompagnée de morceaux mêlant contrebasse et piano, et surlignée par une contre plongée omniprésente), cherchant désespérément l’image de cette femme dans une Russie hivernale. Il finit par laisser le spectateur sur le bord du chemin, celui-ci se voyant infligé le spleen du personnage sans saisir forcément l’intensité du manque qui l’habite. Un choix dommageable, surtout au regard d’une fin dotée de bonnes idées, propres à générer l’émotion, et dont on sent qu’elle était sans doute écrite bien avant tout le reste.

Sophie Guillemin et Thierry Godard, tous deux au scénario, se sont donnés les rôles principaux. Remarquée dans "L'ennui" de Cédric Kahn, puis vue dans "Harry, un ami qui vous veut du bien" de Dominik Moll et "Un Chat Un Chat" de Cédric Klapisch, elle est surtout apparue ces dix dernières années dans des séries télé ("Profilage", "Capitaine Marleau", "Glacé"…). Quant à lui, il est un acteur surtout vu dans des second rôles, alternant cinéma et télévision (dans notamment la série "Un Village français"), qui fut à l’affiche par exemple de "Pour elle", "À l'origine" ou "A+ Pollux". On aurait aimé croire à leur passion dévorante, dont on a ici malheureusement que des bribes peu convaincantes, à l’image de la scène de rencontre au comptoir d’un bar, qui ne fonctionne pas, Sophie Guillemin privilégiant une attitude poseuse. Restent les errances silencieuses du personnage masculin, dans toutes la partie suivant l’épisode du lac gelé, qui impriment un certain mystère et constituent d’intéressants moments de mise en scène.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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