SANKARA N’EST PAS MORT
Poème de la lutte
Un poète traverse son pays, le Burkina Faso, du Nord-Ouest au Sud-Est, sur les traces de Thomas Sankara, avec une question : rester ou partir ?
Sortie en E-Cinema le 29 avril 2020 sur la Vingt-Cinquième Heure
Ce film est un voyage, un voyage dans un pays, dans une langue vivante, dans une idéologie, dans le souvenir d’un printemps politique et social qui a été suivi par des années de misère, de répression et de colère. Un pays où les symboles du printemps sont toujours dressés, mais vides de sens. Un pays où les gens se souviennent des lendemains qui chantent, mais sont écrasés par la pauvreté. Un pays au cœur duquel vit encore une grande conscience politique que le gouvernement dictatorial tente d’abrutir par la fatigue, la misère et la faim.
Le long de sa route, divisée en étapes, en villes et en poèmes, Bikontine, l’« homme enfant » (c’est ce que veut dire son nom), erre en quête de sens. Blaise Compaoré n’est plus au pouvoir, mais il n’y a pas de nouveau Thomas Sankara à l’horizon. Les temps changent et le pays est immobile, sans leader. La jeunesse est silencieuse après les émeutes de 2014. Alors que faire et quel est le rôle du poète, de l’artiste, dans un pays qui a faim et qui se retrouve une nouvelle fois asservi par le capitalisme mondial de grandes multinationales que l’ancien leader populaire avait voulu éloigner ?
Bikontine est en quête, en quête de sens, en quête spirituelle. Son œuvre, qui vient se mêler à celle des autres grands poètes noirs, dans un cheminement qui rappelle la "Prose du Transsibérien" (Blaise Cendrars), questionne le politique dans l’artistique et la place de l’artiste dans une société pauvre. La réponse d’un médecin, à découvrir de sa bouche, est peut-être l’une des plus belles déclarations sur la nécessité de l’art dans une société, quelle qu’elle soit.
La photographie de ce documentaire est magnifique, chacune des rencontres est troublante d’humanité et de vérité, de douceur, de culture et d’intelligence. L’habitus politique se fait sentir, la lutte et la réflexion politique sont très ancrées dans ce peuple qui « ne connaît pas la démocratie ». Enfin, la musique et la voix-off, avec des textes d’une poésie limpide et profonde, proche du monde, viennent compléter ce voyage spirituel sans prétention, accessible et beau, que proposent "Sankara n’est pas mort" et Lucie Viver.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur