LE RUBAN BLANC
Une palme sans réelle tension
Michael Haneke a enfin été récompensé de la Palme d'or à Cannes cette année, après un prix de la mise en scène mérité. Mais étrangement c'est pour un film classique dans sa mise en scène (plans maîtrisés aux cadrages millimétrés, enchaînements lents et découpage méticuleux), que l'auteur autrichien d'habitude dérangeant, a reçu la distinction suprême. Lui qui jouait avec merveille d'une tension étouffante dans « Caché », « Funny Games » ou « Code inconnu », n'arrive ici qu'à générer de rares éclairs d'angoisse, comme lors de la scène où le médecin déverse sans vergogne une montagne de reproches sur celle qui l'aide depuis la mort de sa femme.
Bien sûr, la thématique est captivante, le scénario mêlant éducation religieuse rigoureuse, mystérieux accidents, cruauté enfantine et punitions feutrées. Mais pour vraiment se passionner pour le propos, ou se laisser emporter dans ses recoins les plus sordides, encore faut-il savoir qu'il s'agit là des préludes du nazisme, la génération concernée devant arriver à l'âge adulte dans les années 30. Le film évoque de manière lointaine et aseptisée, « Le village des damnés », focalisant le pénible récit en voix-off de l'instituteur, sur les enfants du baron, du docteur, et d'autres familles, et sur la peur de l'étranger, et le refus de la culpabilité des siens.
Ostracisme, aveuglement, obéissance sans borne, châtiment, promiscuité menant à la délation, sont autant de stigmates d'une société qui tourne en rond, centrée sur sa parfaite esthétique, paysagère comme physique, ne supportant pas la différence. Dans un Haneke habituel, sera aurait donné un film captivant et physique, mais ici l'étranger ne subit pas tant les foudres aveugles de la plèbe, et la tension retombe très vite, croulant sous le poids d'une mise en scène de facture bien trop sage. Dommage.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur