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ROYAL BONBON

Un film de Charles Najman

Folie et soif de pouvoir ?

Un marginal erre dans les rues de Cap-Haïtien en clamant être le roi Christophe (un héros de l’histoire haïtienne, ancien esclave et premier dirigeant d’Haïti après l’indépendance). Il quitte la ville pour trouver refuge dans le palais en ruines de Sans-Souci, suivi par Timothée, un gosse des rues. Il compose alors une cour fantoche avec les paysans des alentours.

La première partie du film est prometteuse car le personnage fascine. Il dégage de lui quelque chose d’à la fois drôle, touchant et dérangeant, ce qui conduit le spectateur à se sentir un peu comme le jeune Timothée : intrigué au point de le suivre dans ses délires. La façon dont les paysans adhèrent sans rechigner à sa folie laisse perplexe mais captive également, les décors aidant aussi à apprécier esthétiquement le délire du personnage. Cela ressemble çà et là à une fable sur la soif du pouvoir d’une part et sur la naïveté du peuple d’autre part. Il paraît également possible que ce film donne à réfléchir sur les mythes nationaux et le besoin de héros patriotiques ou la nécessité de rêver d’une certaine grandeur, surtout dans un pays qui, comme l’est Haïti, n’a cessé de plonger dans la misère sans jamais avoir réellement sublimé sa culture – du moins est-elle marginalisée car on ne saurait faire de hiérarchie qualitative entre les cultures.

Pourtant, tout finit par être très répétitif et mystérieux, le sens devenant de plus en plus opaque, à tel point que l’on se demande si "Royal Bonbon" n’est pas de ces films snobs et prétentieux dont les réalisateurs aiment à devenir volontairement ésotériques. Et le spectateur de se sentir méprisé, comme si l’on exigeait de lui quelque connaissance absolument nécessaire à la compréhension d’un film destiné à un cercle d’initiés et de privilégiés. Ce sentiment d’être pris de haut fait donc progressivement retomber le soufflé d’une œuvre pourtant intéressante mais qui aurait gagné à être plus modeste dans sa forme et un peu plus claire dans son propos. On regrette aussi que le personnage du travesti que l’on rencontre au début du film ne soit pas ultérieurement exploité et on s’interroge ainsi sur l’utilité de ce protagoniste.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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