LE ROI DE L'EVASION
Amours interdits
Armand est un homosexuel de 43 ans, qui le jour vend des tracteurs et la nuit drague sur les aires de repos du Sud-Ouest. Mais un jour, il fait la connaissance de Curly, une adolescente de 16 ans, qui pourrait bien lui faire vire sa cuti. Avec elle, il va tenter, envers et contre tous, de vivre un amour, interdit pour d’autres raisons…
Connu pour ses contes immoraux et politiques, Alain Guiraudie revendique l'appartenance de son cinéma et de ses personnages à un Sud Ouest où les langues chantent et les corps s'offrent librement. Révélé avec « Pas de repos pour les braves », il confirmait avec « Voici venu le temps » comme un inventeur de mondes improbables et idéalistes, où la sexualité serait belle et le droit à la parole, politique ou syndicale, une liberté fondamentale. Aujourd'hui, son « Roi de l'évasion » fait preuve d'autant de liberté de ton, mais se heurte à des réalités de notre époque. Et malgré un récit un peu décousu, on admire autant le discours politique sous-jacent que l'humour décalé qui anime les situations mises en images.
Ainsi, ce qui frappe le plus dans « Le roi de l'évasion », ce n'est finalement pas l'acte sexuel qui unit une gamine et le gentil bonhomme qui sert d'anti-héros, mais la présence permanente de la police. Le commissaire est présent, y compris dans les situations les plus incongrues, apparaissant derrière un arbre en pleine forêt, voire même dans une chambre. Avec force trait et humour, Guiraudie souligne l'Etat policier vers lequel la France se dirige. Et il enfonce le clou en introduisant une mystérieuse racine, dont la consommation est interdite, mais « qui fait courir vite » et donne des pulsions.
Entre plaisirs interdits, excitants abolis et danger de la dépendance à un monde d'apparence meilleur, les personnages de Guiraudie ont choisi. Mais tout n'est pas rose pour autant, et le constat est parfois amer, notamment sur les pratiques de dragues homosexuelles. D'une simple discussion entre deux hommes d'âge mûr, à l'approche de la sexualité totalement différente (l'un baise pour baiser, peu importe qui il a en face, l'autre est plus difficile et y regarde à deux fois, quitte à faire marche arrière), l'auteur marque son espoir en une sexualité redevenue intime et personnelle, et génératrice de relation potentielle, loin de la consommation zapping très en vogue. On rêve en tout cas avec lui d'un monde plus ouvert, plus tolérant, où les libertés progressent et non l'inverse. On espère que la France prenne une autre direction, le Sud Ouest montrant, pourquoi pas, l'exemple...
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur