LE RETOUR DE FABIOLA
Un film titubant entre une fable politique et une chronique de la tristesse
C’est en regardant un reportage à la télévision que Jairo Boisier a eu l’idée de cette histoire racontant le retour d’une ancienne actrice porno dans son village natal. Malheureusement pour celle-ci, sa notoriété acquise dans la capitale chilienne a très largement dépassé les frontières de la ville, et il sera alors bien difficile de la faire oublier à sa famille et ses amis. Mais si le cinéaste s’intéresse au parcours de cette protagoniste, c’est avant tout pour capturer une société chilienne en pleine mutation. Dans un pays présidé depuis 2006 par une femme aux idées agnostiques et réformistes, le modernisme n’est pas le même partout, ce qu’aspire à prouver le réalisateur en plantant le décor de son récit en pleine campagne. Car dans cette bourgade, on se fout pas mal de ce qui se passe à Santiago et dans les grandes villes, le progrès effraie plus qu’autre chose (comme l’atteste la conversation autour du fait d’acquérir ou non un ordinateur) et les femmes ne doivent pas agir comme les hommes.
Mélancolique et bienveillant, l’objectif cherche à rompre avec les préjugés pour s’interroger autour de la thématique de la seconde chance. Néanmoins, en voulant absolument mettre en exergue le ridicule des cases dans lesquelles on a tendance à enfermer les gens, le métrage se perd un peu dans un propos trop ambitieux et pas suffisamment maîtrisé. Avec ses teintes grises, une caméra immobile et ses dialogues minimalistes, le film s’enfonce dans une ambiance austère qui éloigne considérablement le spectateur des velléités revendicatrices du réalisateur. Plans séquences et mise en scène soporifiques finissent même par nous achever, notamment parce que les situations deviennent de plus en plus grossières (en particulier, la relation entre Fabiola et son nouveau patron est gangrenée par de nombreux clichés).
Trop mécanique, "Le Retour de Fabiola" ne parvient jamais à trouver l’équilibre entre son analyse sociétale et le parcours rédempteur d’une jeune fille qui rêve juste de tirer un trait sur son passé et de faire bouger les mentalités. Le portrait intime est raté quand le message politique se fait à peine entendre. Avec un scénario plus travaillé et un panorama des villageois moins clinique, le résultat aurait pu être totalement différent car plus incarné. Dommage…
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur