RETOUR À REIMS (FRAGMENTS)
Des fragments qui en disent long
Reprenant des éléments de l’essai autobiographique de Daniel Eribon, ce documentaire explore l’histoire sociale et politique de la France…
En 2009, le philosophe et sociologue Daniel Eribon publiait un essai autobiographique, "Retour à Reims". Une décennie après, Jean-Gabriel Périot se réapproprie l’ouvrage pour en tirer une adaptation documentaire certes dépouillée de certains éléments mais ô combien efficace et pertinente à propos de l’histoire sociale de la France (ouvrière surtout) et de l’évolution de la politique dans notre pays.
Dans la forme, le film peut d’abord surprendre pour le choix de la voix off du commentaire, confiée à l’actrice Adèle Haenel. Mais on constate rapidement que cette narration féminine confère au récit, initialement intime et masculin, un caractère plus universel, et il est plus tard légitimé également par la dimension féministe de certains passages. En outre, même si cela peut sembler anecdotique, opter pour cette actrice, connue par ailleurs pour son militantisme contre les discriminations anti-LGBT, permet de compenser la mise à l’écart de la question de l’homosexualité, abordée dans le livre mais pas dans le film.
Le documentaire impressionne pour son choix des archives, particulièrement durant sa première partie qui exploite à bon escient des scènes de films de fiction. Si celles-ci sont sans doute nécessaires pour pallier le manque d’images documentaires adéquates pour le début du XXe siècle, elles affirment la valeur patrimoniale du cinéma : un film s’inscrit dans son époque et on peut en retirer des enseignements historiques, politiques ou sociologiques.
Mais surtout, malgré un chapitrage peu clair, "Retour à Reims (fragments)" dresse un tableau fluide et approprié des évolutions de la société française. Il frappe particulièrement juste quand il s’agit d’évoquer les mutations de la gauche et la manière dont une partie de la population (surtout les classes sociales populaires) s’est détournée de celle-ci au profit de l’extrême droite. Le bilan n’est guère reluisant quand le générique de fin arrive, mais on se dit aussi qu’il est tout à fait envisageable de retourner à nouveau la situation au profit du peuple, surtout si celui-ci s’engage à nouveau.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur