RENDEZ-VOUS À TOKYO

Parmi les désormais réguliers films japonais qui atteignent les salles françaises, on aura particulièrement apprécié la romance douce amère "Rendez-vous à Tokyo". Comme un présage de la fatalité qui va entourer ce jeune homme (Teruo, danseur) et cette jeune femme (Yo, conductrice de taxi) dans leur rapprochement et leur relation amoureuse, après un préambule introduisant les routines des deux personnages, le visage de Yo se fige lorsqu'elle aperçoit Teruo en train de s'exercer seul sur scène. Fondu au noir. Moment de leur rencontre ou moment clé d'une fin de relation : le spectateur s'interroge déjà. Et la suite du métrage ne cessera de solliciter son imagination, afin de remplir les trous que constituent les ellipses d'un an entre chaque fois où les personnages se croisent ou se côtoient, un 26 juillet.

Par une très habile construction, Daigo Matsui, scénariste-réalisateur, navigue dans le désordre, entre des événements ayant lieu à la même date, laissant au spectateur le soin de se repérer temporellement. Le puzzle livré ainsi est à la fois passionnant, permettant le doute, moins quant à la conclusion de l'histoire, que quant au vécu ou non de cette relation qui s'esquisse par petites touches, mais aussi par rapport à la manière dont Teruo et Yo ont pu se rencontrer. Et peu à peu, l’émotion affleure, pénétrante.

Les deux interprètes se révèlent des plus touchants, même si Yo s'avère par moments particulièrement exigeante, comportement que l'on ne pourra comprendre réellement que plus tardivement. Mais l'atout du film réside principalement dans le naturel de certaines scènes en apparence toutes simples (un dialogue autour d'une messagerie de réseaux sociaux dans une ruelle, la discussion franche autour de la pièce...). Petit miracle d'écriture, "Rendez-vous à Tokyo" est un long métrage émouvant, donnant à voir une certaine solitude dans un Tokyo moderne (la confession de la toute jeune première cliente, la récurrence des scènes avec l'homme assis dans le parc...) et alternant avec aisance légèreté et gravité. Un film qui rappelle joliment au passage, qu'en amour, le silence en dit parfois plus que de nombreux mots.