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REINES

Un film de Yasmine Benkiran

La cavale des lionnes

Pour permettre à sa fille d’échapper à une mise sous tutelle de l’État, Zineb s’enfuit avec elle après s’être évadée de sa prison de Casablanca. Tout se complique lorsqu’elle prend en otage Asma, jeune mécanicienne, à bord d’un camion. Pourchassées par la police et par le mari d’Asma, les trois femmes se lancent dans une fuite en avant à travers l’Atlas…

Reines film movie

Sans aller jusqu’à prétendre faire l’analyse de ce qui aurait dû (ou pu) être fait en lieu et place de ce qui a été réellement fait, la scène finale de "Reines" laisse éclater à quel point le film de Yasmine Benkiran coche toutes les cases de l’occasion manquée. C’est en la découvrant que l’on mesure en quoi sa plus belle piste narrative, aussi bien rattachée à la lecture symbolique du conte qu’à un vivier de la mythologie marocaine, n’aura été jusqu’ici que survolée en ayant la tête ailleurs (au mieux) ou reléguée au rang de meuble scénaristique (au pire). Cet angle-là, sur lequel on ne s’étendra pas trop afin de ne rien spoiler, avait clairement de quoi élever le récit au-delà du catalogue de clichés et de poncifs que la seule lecture du scénario laissait déjà transparaître. Mais sans que l’on sache pourquoi (sans doute parce que la pure revendication politique ou féministe devait passer au premier plan), la réalisatrice a préféré suivre la voie du récit archi-codifié qui récite ses passages obligés tout au long d’un trajet linéaire que le genre a trop longtemps emprunté. Autant mettre en alerte ceux qui préfèrent les chemins de traverse aux routes balisées.

 

Pour commencer, on signalera qu’il vaut mieux éviter de citer "Thelma & Louise" à tout bout de champ. D’abord parce que le décalque de sa structure scénaristique (deux femmes en cavale pourchassées par la police à travers des paysages mythologiques) est ici trop pesant pour rendre le résultat singulier, ensuite parce que la récitation des scènes emblématiques du film culte de Ridley Scott (agression violente, pauses rieuses, parenthèses complices, épilogue à la fois fataliste et libérateur…) ne joue aucunement en sa faveur. On regarde "Reines" comme on regarderait pour la énième fois un catalogue de motifs éculés qui, sans être fondamentalement mal traités, ont la faiblesse de n’être ni transcendés ni retravaillés. Les trois héroïnes du film ont beau avoir la nuance en bandoulière (il faut voir comment l’une d’elles joue assez brillamment au yo-yo avec nos facultés respectives d’empathie et d’aversion), elles ne servent ici que de prétextes lancés en roue libre sur fond de masculinité toxique et d’émancipation instable, avec à leurs trousses un tandem de policiers qui se disputent comme un vieux couple (l’utilité réelle de cet enjeu s’est visiblement perdue dans les collines arides de l’Atlas…). Ne restent alors que la jolie photo du chef opérateur Pierre Aïm (dont le CV prestigieux parle pour lui) et, on insiste, cette scène finale qui libère et emporte le film à défaut de le sauver.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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