REGRESSION
Retour raté pour le maître du thriller
Avec "Régression", Alejandro Amenábar revient à son genre de prédilection, le thriller qui a fait son succès à la fin des années 90 et au début des années 2000 avec des films comme "Ouvre les yeux" ou "Les Autres". Ce long métrage marque aussi les retrouvailles entre Emma Watson et David Thewlis, quatre ans après le dernier épisode de la série "Harry Potter". Entre des comédiens qui ont déjà joué ensemble et un réalisateur qui retrouve un genre qu'il affectionne, tout aurait dû marcher comme sur des roulettes. Toutefois, sans être un ratage total, "Régression" manque de profondeur. Ethan Hawke, très bon dans "Sinister", nous laisse ici assez indifférent. Dommage, car c'est sur ce personnage de flic qui ne vit que pour son travail qu'Amenábar se concentre. Mais à force de cris et de gesticulations, Bruce Kenner finit presque par agacer.
Pourtant l'intrigue est plutôt bien ficelée et quelques bonnes séquences jalonnent le film. La scène d'exposition par exemple, à défaut d'être exceptionnelle, devient beaucoup plus intéressante lorsqu'elle est reprise en deuxième partie de film avec un personnage différent. Non, le vrai souci, c'est que l'on est tellement concentré à essayer de démêler l'affaire au fil des découvertes d'Ethan Hawke, que le côté thriller passe un peu au second plan. On a davantage l'impression de voir un policier qu'un vrai film à suspense comportant une réelle tension, ce qui est sans aucun doute lié à la relative indifférence ressentie vis-à-vis de Kenner. D'ailleurs, la fin est extrêmement lisible ce qui fait qu'au bout d'une heure et quart (sur 1h47 au total) on sait déjà comment le film va se terminer. Cela désamorce totalement le twist de la scène finale, pourtant si important dans un thriller.
Finalement, on aime assez se sentir comme des détectives cherchant à dénouer une affaire de plus en plus tentaculaire et impliquant toujours plus de personnes. D'un autre côté, en allant voir "Régression", on aurait préféré découvrir un vrai thriller, d'autant que les cultes sataniques sont des sujets qui offrent de multiples possibilités de traitement. C'est encore plus décevant quand on replace l'histoire dans son contexte. En effet, le début du film nous explique que les faits relatés sont tirés de cas réels survenus aux États-Unis dans les années 80 et 90. Il faut savoir qu'à cette époque, une vague de panique, autour de supposés cultes sataniques impliquant viols, meurtres et même cannibalisme, a traversé les USA. Des affaires qui se sont pour la plupart révélées fausses mais qui ont profondément marqué les habitants très religieux de l'Amérique profonde. Il faut imaginer un climat de tension et de suspicion à cause duquel certains Américains voyaient en leurs voisins d'abominables prêtres sataniques organisateurs de messes noires et d'autres pratiques occultes. Un climat pourtant parfait pour un thriller ! Malheureusement, ici, ça ne passe pas.
Visuellement, il ressort une esthétique très sombre de ce film, ce qui est tout sauf inattendu étant donné la teneur du pitch. Amenábar a d'ailleurs dit s'être inspiré de films des années 70 comme "L’Exorciste" ou "Rosemary’s Baby". Une esthétique qui aide un peu le spectateur à rentrer dans le film, malgré les lacunes rythmiques de l'histoire et les soucis de mise en scène. Encore une fois, on ne parle pas de mise en scène en général, uniquement de la mise en scène d'un supposé thriller. Si globalement le film est assez agréable à regarder, il ne part pas dans la direction voulue.
Adrien VerotEnvoyer un message au rédacteur