RÈGLE 34
C’est elle qui décide
Devant sa webcam, Simone attend que des internautes lui donnent des « jetons » (tokens) pour se déshabiller ou se masturber, selon le niveau atteint. La journée, elle étudie le droit, afin de devenir « défenseur public ». Entre les deux, elle sort avec ses amis, filles ou garçons, cédant à ses envies, ses pulsions, ses désirs d’exploration…
Alors qu’elle est, par écran interposé, durant un générique aux grandes lettres roses, le centre de l’attention, Simone semble reléguée régulièrement dans les scènes d’installation qui suivent, dans les bords du cadre, comme à la marge. Qu’elle assiste à une conférence d’un juriste, discute avec des amis, ou prenne des cours de défense, c’est comme s’il était rappelé en permanente qu’elle est à la fois, une femme, noire et bisexuelle. En fond de son activité professionnelle comme de discussions avec des amis, il y a d’ailleurs à la fois l’ombre de la condition passée des noirs au Brésil, comme la connexion de chacun avec la société.
Mais quand vient la nuit, curiosité, fantasmes et obsessions, charriés par la puissance de diffusion anonyme d’internet, semble pénétrer son existence, à l’image de cette vidéo SM sur laquelle elle revient régulièrement, la laissant envahir son existence. Entre soirée à trois où on teste le pouvoir érotique de la douleur, vidéo chat où les hommes, souvent réduits à une ombre, vous poussent à tester vos propres limites, Júlia Murat explore la manière dont la volonté en vient à être contrainte et comment le danger alimente une curiosité insatiable. Jusqu’au malaise, mais avec une scène finale qui affirme néanmoins le pouvoir de la femme, "Règle 34" s’affirme en œuvre politique et cérébrale, que le Festival de Locarno a récompensé de son Léopard d’Or.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur