LA VOIX D'AIDA
Du drame historique au drame familial
Bosnie 1995, après la prise de la ville de Srebrenica par les Serbes, des milliers de civils cherchent un abri dans le camp de l’ONU. Devant la confusion globale, Aida, interprète pour les casques bleus et témoin des négociations, va tout faire pour mettre à l’abri sa famille…
Jasmila Žbanić, connue notamment pour "Saravejo mon amour", Ours d’Or 2006, revient avec un nouveau film, dont l’action prend une nouvelle fois place en Bosnie-Herzégovine. "Quo Vadis, Aida ?" revient donc sur la prise de la ville de Srebrenica durant la guerre qui a sévi dans les Balkans dans les années 90, et ses conséquences directes sur la population locale.
S’inspirant donc de faits réels, Jasmila Žbanić, à la fois à la caméra et à la plume, nous livre un récit brillamment écrit. En effet, au lieu de se contenter d’un biopic historique, le film préfère centrer son histoire sur un personnage en particulier, qui évolue dans ce contexte historique si spécifique. Cette approche est particulièrement intelligente puisqu’elle permet en outre une meilleure identification et donc implication de la part du spectateur, de par l’absence de dilution du sujet, ainsi qu’un maintien de la tension narrative et des enjeux pour toutes celles et ceux déjà au courant du dénouement global des évènements.
Et quelle tension ! Du début à la fin, rien n’est épargné au spectateur et les moments de répits sont rares et précieux. La narration et le storytelling sont parfaitement maîtrisés, le tout soutenu par un rythme presque millimétré qui nous plonge sans concession dans le chaos global de la situation militaire, sans jamais toutefois que cela ne devienne trop confus ou ne perde le spectateur. Celui-ci restera ainsi collé au fond de son siège en se demandant, au fil de ses tentatives successives, si Aida réussira à sauver les siens et de quelle manière.
Le tout est porté par une mise en scène efficace, tout en restant sobre. L’interprétation des acteurs est excellente et sans faille, Jasna Ðuričić, l’interprète d’Aida en tête, bien sûr, mais également les personnages plus secondaires, notamment Johan Heldenbergh qui interprète le responsable militaire de l’ONU, complètement désemparé. Son interprétation impressionne, aussi bien la pellicule que le spectateur.
Au final, "Quo Vadis, Aida ?" est film très réussi, qui revient sur un épisode de guerre civile de manière intelligente, en étant à la fois bien structuré et parfaitement rythmé. En choisissant l’angle du drame personnel et familial plutôt que la plongée dans la reconstitution historique, le long métrage n’en sort que plus grandi et plus impactant. Un film à ne pas rater, passé par le Festival de Venise et récompensé de la Flèche de cristal du meilleur film des Arcs Film Festival.
Ray LamajEnvoyer un message au rédacteur