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QUITTER LA NUIT

Un film de Delphine Girard

Destins croisés

Passagère dans la voiture de Dary, homme qu’elle connaît, Aly prétend passer un coup de fil à sa soeur. Elle appelle en réalité Police Secours, où Anna répond, la guidant dans une conversation avec des codes, afin que le conducteur ne s’aperçoive de rien. Peu après, leur véhicule est intercepté à temps, alors que Dary commençait à comprendre et s’énerver. Au commissariat, Aly dit avoir été violée par Dary. Dary, lui, prétend qu’il y avait consentement…

Prix du public des Giornate degli autori du Festival de Venise 2023, "Quitter la nuit" est un film tout en tension, qui n’a de cesse de revenir sans arrêt, pour ses trois personnages principaux (et surtout pour les deux dont le destin a basculé ce soir-là), sur cette nuit où Dary emmenait Aly vers l’inconnu, contre son gré. La longue scène d’ouverture, particulièrement tendue, partant de l’opératrice, nous donne à voir ces deux personnes, de dos dans une voiture, laissant à un moment apparaître les phares de celle des policiers qui vont les intercepter. Puis l’on découvre l’évolution des deux femmes, en parallèle puis en contact, des problèmes quotidiens de la flic, Anna, confrontée au comportement de son ado de beau-fils, aux changements d’attitude d’Aly envers les hommes et vis-à-vis de la sexualité. N’hésitant pas à mettre le spectateur mal à l’aise, Delphine Girard nous met face à l’incapacité de cette dernière à faire confiance, ainsi qu’à son rapport désormais cru et violent, au sexe.

Récit d’un processus de survie plus que de reconstruction, "Quitter la nuit" dispose aussi d’un scénario qui tente d’aborder le fossé des points de vue, sur le consentement, entre un homme qui dit ne pas savoir ce qu’il a fait et une femme meurtrie, entre un ado découvrant l’attirance et sa belle mère qui a mal vécu son adolescence. Jouant d’effets de dilatation, entre un temps qui se concentre lors de cette nuit, alors qu’il s’étire sur ces deux ans qui les séparent d’un procès, la réalisatrice-scénariste tâche aussi de capter le fossé des conséquences, l’événement juridique devenant un potentiel pivot pour commencer à regarder, vraiment, ailleurs (l’héroïne peut enfin, symboliquement, ranger son appartement). Revenant subtilement, par son scénario, sur la souffrance que peut représenter une déposition (où la justification de sa parole est de mise...), sur les mécanismes du déni, comme sur ceux de la transmission d’une vision machiste, le film réserve son lot d’émotion sur la fin, malgré une réelle dureté globale.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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