QUI A PEUR DE PAULINE KAEL ?
Qui a peur de la critique ?
Pauline Kael (1919-2001), qui a écrit pour le magazine « The New Yorker » de 1968 à 1991, est l’une des critiques de cinéma les plus influentes de son époque…
Voilà ce qui s’apparente à un défi impossible : écrire modestement la critique d’un documentaire ayant pour sujet une talentueuse critique de cinéma ! Alors tentons de retourner la chose : il n’est absolument pas certain que Pauline Kael aurait apprécié ce film. Certes, elle aurait sans doute été flattée par tant de gratitude à propos de son talent et de son influence. Mais la forme trop insipide l’aurait sans doute horripilée.
Le documentaire – qui semble s’ouvrir avec une sorte de bande-annonce de ce qui suivra – est constitué majoritairement d’un entremêlement d’extraits de films et de témoignages dans un enchaînement souvent fade et manquant cruellement de transitions, le tout agrémenté régulièrement d’un récit à la première personne mollement lu par Sarah Jessica Parker. Le changement incessant de point de vue, mais aussi la présence perturbante de textes écrits à l’écran (alors qu’on doit déjà se concentrer sur le son du commentaire), ou encore l’impression que les extraits intégrés au montage ont été choisis soit de manière aléatoire soit pour souligner les commentaires (ce qui implique lourdeur ou vacuité), sont autant d’obstacles à la fluidité du film, un peu comme cette longue phrase volontairement fastidieuse que vous venez de lire !
Heureusement, le sujet s’avère suffisamment passionnant pour sauver les meubles de cette mise en scène peu inspirée : on prend donc la mesure de l’importance de Pauline Kael, de ce que son ascension dit de la combativité nécessaire des femmes pour trouver leur place dans un milieu patriarcal (en l’occurrence la critique de film mais aussi au-delà), de l’intransigeance et de l’entièreté indispensables pour bénéficier d’une véritable liberté d’expression, ou encore des conséquences possibles d’une critique de film, qu’elle soit positive ou négative. D’avance donc, désolé si cette critique cause du tort à ce documentaire, mais elle était simplement guidée par une détermination : être libre et sincère. En tout cas "Qui a peur de Pauline Kael ?" réussit une chose : donner envie de lire les écrits de Pauline Kael.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur