QUAND VIENT LA NUIT
Un polar entre James Gray et Martin Scorsese
Après le génial "Bullhead" en 2011, Michaël R. Roskam, réalisateur belge, atterrit aux États-Unis et met en scène un pur film de genre, un polar américain qui se déroule dans le New York de Martin Scorsese et de James Gray. Dans "Quand vient la nuit", on retrouve donc des trafiquants aux cheveux gominés, des camionnettes où on torture des prétendus voleurs, un braquage de petites frappes, du pognon sale, une idylle compliquée avec une fille sous le joug d’un psychopathe, des flingues, la nuit, Brooklyn et du sang ! Tous les ingrédients pour passer un bon moment dans une salle obscure et la dernière fois que l’on pourra voir à l’écran James Gandolfini, décédé le 19 juin 2013.
On est donc ici en terrain familier, mais il n’y a pas que du vu et du revu. Le scénario de Dennis Lehane (auteur des scripts de "Mystic River", "Shutter Island" et de la série "Sur écoute") sait réserver quelques bonnes surprises – le twist final notamment – et un personnage central comme on a peu l’habitude d’en voir au cinéma, magistralement interprété par Tom Hardy, tout en nuances. Le comédien est mémorable : il joue ici les ours solitaires à la perfection. Tel un plantigrade, un peu massif, un peu en hibernation, mutique, il impressionne dans ses mimiques maladroites et ses regards perdus. Il est comme en errance, à la recherche d’une partie de lui-même, dont il semble combler l’absence en adoptant un chiot qu’il nomme Rocco.
Une reconquête de lui-même qui le pousse à nouer des liens avec une fille, qui n’a pas fréquenté que des enfants de chœur. Noomi Rapace (la comédienne du "Millénium" suédois) confirme tout son talent malgré un rôle fade, certainement le moins intéressant du film, mais qui permet de monter crescendo en tension jusqu’à la scène finale. Car elle est au cœur d’un triangle amoureux avec son ancien petit ami. C’est ainsi qu’on retrouve, face à Tom Hardy, la « tête de bœuf » Matthias Schoenaerts, en bad-guy très crédible. La confrontation Schoenaerts-Hardy tient ses promesses, d’autant qu’elle permet au second de se libérer de ses liens qui le muselaient jusqu’ici. Le spectre de l’inoubliable Keyser Söze fait encore des siennes !
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur