QUAND LES VAGUES SE RETIRENT
La transmission de la violence
Hermes est lieutenant de police. Réputé comme l’un des meilleurs enquêteurs du pays, il ne cache pas à ses élèves, que le facteur chance n’est pas pour rien dans certaines de ses affaires. Pourtant lui aussi est accusé de violence, cédant à celle-ci face à divers hommes. Dans la tourmente, il décide de se mettre en retrait et de partir en bord de mer, chez sa sœur, qu’il n’a pas vue depuis longtemps. Mais à la ville, dans le quartier des prostituées, son ancien mentor, sorti de prison, l’attend pour se venger…
Le nouveau long métrage du réalisateur philippin Lav Diaz, passé par le Hors compétition du Festival de Venise 2022, sort enfin sur les écrans, grâce au fidèle distributeur Epicentre. Toujours tourné dans un élégant noir et blanc, le film nous emmène des rues de Manille, aux bas fonds de Halya, ainsi que dans des terres reculées de la côte. Portrait d'un Lieutenant, lui-même pris dans des tourments judiciaires, c'est à la fois à une histoire de repentir (symbolisée par la maladie de peau du protagoniste) et à une dénonciation en règle d'une violence considérée comme inhérente à la police, que l’on assiste. Une violence qui est montrée ici comme se transmettant d'une génération de policiers à une autre, malgré la tentative pour certains, d'en sortir, ceci jusqu'à un final teinté de politique, qui enfonce le clou verbalement de manière inattendue.
Si certains passages comme l'échange avec un photographe ami-ennemi (sur la peur, la survie, la culpabilité, la fascination pour les leaders populistes...), viennent un peu ralentir un récit multipliant pour une fois les lieux et les intrigues, Lav Diaz réussit cependant à livrer un film fleuve (plus de 3 heures) sur les violences policières. Personnage secondaire, le mentor du lieutenant parvient à distiller une réelle inquiétude, par son comportement proche de la folie (les passages où il danse sans musiques sont particulièrement malaisants), alliant élans religieux autoritaires, violence difficilement contenue et fascination pour des méthodes sadiques...
Passant d'un personnage à l'autre, le scénario se dirige résolument vers son climax, en offrant quelques pauses où le grand paysage offre quelques apaisements, alors que les reproches de faire partie d'un « système » inadmissible persistent. Graphiquement, les plans font preuve d'une qualité de composition indéniables, alors que dans certaines scènes statiques, un seul élément du décor vient insuffler un peu de mouvement : une ombre d'un arbre oscillant avec le vent, les gyrophares d'une voiture de police ou d'une ambulance... "Quand les vagues se retirent" est au final un film complexe et qui n'hésite pas à adopter un point de vue politique.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur